Casseurs Flowters en interview : « On réfléchit à faire vivre l’album au-delà d’un support musical »

 

Casseurs Flowters

Casseurs Flowters nous a accordé du temps, quelques heures avant de monter sur scène aux Vieilles Charrues, édition 2014. L’occasion de revenir avec Orelsan et Gringe sur leur premier album à deux (Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowteurs, 2013), leur définition du « rap à l’ancienne », et leur envie de pousser leur projet collectif encore plus loin.

Vous vous sentez comment à l’approche de votre concert aux Vieilles Charrues ?

Gringe : On se sent relax maintenant, ce ne sera peut-être pas le cas une heure à une demi-heure avant de monter sur scène. En tout cas, on a hâte d’y aller. On n’a pas encore eu beaucoup l’occasion de jouer ce show, alors chaque occasion est cool.

Je vous ai vus aux Francofolies de La Rochelle il y a quelques jours. Vous avez une complicité évidente sur scène tous les deux. Elle est venue naturellement ?

Gringe : Le fait d’avoir suivi Aurel’ [diminutif d’Aurélien, le prénom d’Orelsan] sur scène sur la tournée du Chant des Sirènes et sur Perdu d’Avance fait qu’on a quand même quelques automatismes, même si on avait peu de morceaux ensemble. Mais bien sûr que c’est naturel. C’est toujours plus simple d’appréhender un concert avec quelqu’un qu’on connaît bien. On se comprend vite.

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Les gens reprenaient en chœur vos chansons ! A la base, votre album raconte le quotidien de deux mecs qui ne font pas grand chose de leur journée, mais beaucoup de gens ont l’air de s’y reconnaître. Ca vous fait plaisir j’imagine ?

Orelsan : Carrément. On ne peut jamais savoir à l’avance si ça va marcher. Le fait de voir les gens kiffer, c’est cool.

Qu’est-ce qui a été le plus dur dans l’écriture de l’album : raconter le quotidien, ou l’aspect humoristique, contenu dans les interludes ?

Gringe : C’est peut-être d’avoir conceptualisé l’album. Avant de l’enregistrer, on avait des idées de morceaux en commun. Dès lors qu’on a réussi à trouver ce concept d’étirer l’album sur 24 heures, on a dû écrire des morceaux en rapport. « Tiens, si à telle heure, tu reçois un appel de ta meuf qui te prend la tête, pourquoi on écrirait pas un morceau sur les potes ? », par exemple. Une fois qu’on avait trouvé le concept de l’album, c’était plus simple de finir de l’écrire.

« Le plus dur a été de diversifier l’album, une fois qu’on avait les cinq premiers morceaux. » – Orelsan

Vous l’avez décrit comme un « buddy movie » adapté en CD. Est-ce que vous avez l’impression d’avoir créé un nouveau genre de rap ?

Orelsan : Des albums-concepts avec beaucoup d’interludes, qui s’écoutent de A à Z, ont déjà été fait. Comme des albums de Gainsbourg, ou The Streets, qui a fait un album sur un mec qui a perdu dix mille balles au PMU, et qui fait tout pour les récupérer, qui s’appelle A Grand Don’t Come For Free. Après, je ne sais si c’est allé aussi loin que nous, dans le sens où tous nos morceaux ont un rapport avec l’histoire. Du coup, le plus dur a été de trouver comment diversifier l’album, une fois qu’on avait les cinq premiers morceaux.

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Quel est le morceau qui a été le plus dur à écrire ?

Gringe : « Les putes et moi », c’est celui qui nous a demandé le plus de travail d’écriture, de réécriture, de concertation, de vigilance au niveau du texte, de faire attention à ne pas dépasser une certaine limite dans la gratuité du propos. Sachant que c’est un morceau subversif, quoiqu’il arrive. On a tenté de l’adoucir un peu via la musique, et dans le fait d’opposer nos visions de la chose, sachant que nous étions tous les deux dans le faux. On oppose deux avis erronés. C’est une discussion d’imbéciles.

« ‘Les putes et moi’ est le morceau qui nous a demandé le plus de travail d’écriture. » – Gringe

Au final, cet album vous ressemble vraiment, ou bien avez-vous beaucoup grossi le trait ?

Orelsan : Il nous ressemble, mais on a bien sûr dû grossir le trait, vu qu’on raconte une histoire. Après, on est quand même sur des trucs de base qui nous ressemblent. Ne serait-ce que dans le style de vie, dans la manière dont nous sommes avec nos potes.

Le morceau « Change de pote », c’est du vécu ?

Gringe : Je pense que ce titre est universel, dans le sens où n’importe qui en couple, fille comme garçon, a pu vivre ce genre de situation. Mais pour le coup, c’est un titre ultra autobiograhique : on a vécu 10 ans en colocation, avec des potes autour, et on a toujours été un peu exclusifs les uns avec les autres. Nos copines de l’époque n’avaient pas trop un droit de regard sur ce qu’on vivait. C’est un morceau indispensable.

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Dans votre album, vous dites aussi « on ramène le rap à l’ancienne » [dans le morceau « Stupide¡ Stupide¡ Stupide¡ »], qu’est-ce que ça représente ?

Orelsan : Notre album est « à l’ancienne » au sens où il y a beaucoup de morceaux sans refrain, et d’instru old-school avec des grosses rythmiques. Pour l’instant, le rap est assez ralenti, sur du 70 bpm. Nous sommes sur des rythmes assez rapides, des tempo assez batards, autour de 100 bpm, du genre [Orelsan fait un peu de beatbox].

Gringe : Sortir un album à deux, c’est déjà faire du rap à l’ancienne. A l’époque, il y avait pas mal de duos et de collectifs, et plus du tout depuis 10 ans. On remet ça un peu au goût du jour.

Orelsan : Même le fait de sortir un album, c’est « à l’ancienne ». Aujourd’hui, les gars sortent juste des titres.

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C’est vrai qu’il y a pas mal de nouveaux groupes de rap, comme 1995, l’Entourage

Gringe : Carrément. 1995, pour le coup, ont synthétisé tout l’âge d’or du rap français. Quand tu les rencontres, ils te disent qu’ils ont grandi avec cette musique. Ils se sont auto-éduqués en terme de rap, et sont allés prendre ce qu’il y a de meilleur chez les grands rappeurs de l’époque.

Par exemple, vous avez joué juste avant IAM à La Rochelle ! Qu’est-ce que ça vous a fait ?

Orelsan : Ca fait toujours bizarre. Quand tu regardes leur setlist, ils n’ont que des classiques, c’est complètement ouf. On ne leur arrive pas à la cheville, pour l’instant. C’est chelou de se retrouver sur la même scène. A un moment, je parlais un peu avec Shurik’n, et rien que ça, ça fait bizarre. Je les ai vraiment beaucoup beaucoup écoutés.

Ca doit être un peu bizarre d’être dans le même milieu que ces groupes que vous écoutiez quand vous étiez ados.

Gringe : Oui, il n’y a plus de pare-feu. On les regardait à la télé, on les écoutait à la radio et sur CD. On est vachement respectueux et admiratifs de leur carrière et de leur discographie. C’est marrant de pouvoir discuter d’artiste à artiste, et de ne plus être dans la position du fan. Ils avaient l’air assez renseignés sur nous et notre musique. Ce sont des hommes très humbles, et c’est aussi pour ça qu’ils sont des grands messieurs du rap. Ils sont super accessibles.

« Il faudrait repenser à un autre show, dans un autre ordre, où les gens seraient assis comme au théâtre. » – Orelsan

Pour revenir à la scène, vous aviez dit que vous rêvez d’adapter l’album entièrement, comme une pièce de théâtre. C’est toujours à l’ordre du jour ?

Orelsan : Carrément, on y pense. Après, on trouvait que ça ne correspondait pas aux festivals. Et puis c’est trop court, on n’a qu’une heure, on doit apporter beaucoup d’énergie. Mais on va sûrement préparer ça. On fait un Bataclan au mois d’octobre, et on va peut-être se rapprocher un peu plus de ça. Mais on imagine pousser la chose encore plus loin.

Comme interpréter d’autres morceaux ?

Orelsan : On ne joue pas tous nos morceaux sur scène. On voudrait surtout ramener une mise en scène de ouf. Il faudrait repenser à un autre show, dans un autre ordre, que les gens soient assis comme au théâtre.

Une sorte de comédie musicale, en fait ?

Orelsan : Ouais, dans l’idée, ce serait ça.

Est-ce que vous songez à un deuxième album ?

Gringe : Non, c’est trop tôt. Orel’ va attaquer son troisième solo, moi je vais attaquer mon premier solo. On réfléchit aussi à comment faire vivre l’album autrement que sur un support musical. Casseurs Flowters est une aventure qui continuera, mais on se laisse du temps. Il n’y a rien d’urgent.

Ecoutez Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters sur Deezer :

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