Deez is la tech — Épisode 1 — La diversité dans la tech

This post is exceptionally written in French exclusively as it accompanies the release of the first episode of “Deez is la tech”, a brand new podcast created, hosted and recorded by Deezer’s Product & Tech teams in French (for now at least). Don’t worry though, we’ll be back with more English content on deezer.io soon!

Les lecteurs bilingues l’auront déjà compris suite à la lecture du paragraphe précédent : les équipes Product & Tech de Deezer ont désormais leur podcast !

Sobrement intitulée “Deez is la tech” — ce qui rappellera des souvenirs aux amateurs de rap français des années 2000, cette émission créée et animée par des membres de la division Product & Tech propose d’aborder des sujets relatifs aux mondes du streaming musical et de la “tech” au sens large (incluant développement, produit, design, qualité, data, recherche, etc.), et d’explorer les coulisses de certaines des fonctionnalités phares de Deezer. Le tout à l’occasion de discussions entre collègues et pairs, en toute décontraction, mêlant partage d’expériences, bonnes pratiques et réflexions sur les évolutions possibles du secteur.

Un nouvel épisode sera publié chaque premier mercredi du mois sur de nombreuses plateformes d’écoute et un transcript sera mis à disposition en parallèle sur notre blog deezer.io.

Les présentations étant faites, découvrez dès maintenant le premier épisode de Deez is la tech !

Résumé

Dans ce tout premier épisode de Deez is la tech, nos deux animateurs Loïc Doubinine (@ztec6) et Vincent Lepot (@neozibok), tous deux Backend Engineers chez Deezer, abordent le sujet de la diversité dans le milieu de la tech à travers un échange avec trois invités : Laura de Rohan (Software Engineer), Eva Zelus (Talent Acquisition Lead) et Gil Pinatel (Senior iOS Engineer).

Qu’est-ce que la diversité ? Quelles expériences de diversité nos invités ont-ils vécu au cours de leur carrière professionnelle ? Quelles évolutions ont-ils observées ? Comment faire en sorte d’encourager et de promouvoir la diversité en entreprise ? Quels en sont les apports ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles nos invités répondront avant de partager leurs “Coups de coeur” actuels.

Transcript

Loïc [00:00:07] Bonjour et bienvenue dans Deez is la tech, le podcast qui n’pète ni les plombs ni les crons ! Je m’appelle Loïc, je suis développeur depuis plus de dix ans et je suis aujourd’hui en compagnie de Vincent qui va co-animer ce tout premier podcast avec moi. Salut Vincent, comment vas-tu ?

Vincent [00:00:26] Salut Loïc, ça va très bien, merci. Je vais me présenter également puisque j’ai le micro. Je suis développeur depuis au moins deux décennies. Chez Deezer, je suis Tech Lead Back-End et aujourd’hui nous allons animer ensemble le premier épisode de ce podcast tech “made in Deezer”.

Loïc [00:00:43] Deez is la tech, c’est quoi ? C’est un podcast qui parle de la tech en France et dans le monde. On souhaite aborder des sujets aussi variés que l’agilité, l’accessibilité, les nouvelles technologies, etc. Et aujourd’hui, pour la première, on va parler de diversité. On ne pourra évidemment pas tout aborder concernant la diversité parce que c’est un sujet qui est très vaste. Donc on va se concentrer sur ce qui se passe chez nous à Deezer et on pourra cependant en reparler dans le prochain épisode. Donc ce n’est que partie remise !

Vincent [00:01:09] Et pour nous accompagner pour ce premier numéro de Deez is la tech, nous accueillons aujourd’hui trois invités qui travaillent également chez Deezer, à commencer par Laura. Bonjour Laura, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Laura [00:01:21] Salut Vincent, salut Loïc, moi c’est Laura. Je suis développeuse chez Deezer depuis un peu plus d’un an et demi et je suis très contente d’être ici avec vous aujourd’hui.

Vincent [00:01:31] Merci Laura. On est content de t’avoir avec nous. À côté de toi se trouve Eva. Salut Eva !

Eva [00:01:36] Bonjour tout le monde !

Vincent [00:01:37] Est-ce que tu peux te présenter toi aussi en quelques mots?

Eva [00:01:39] Oui, moi c’est Eva, j’ai 31 ans, ça fait dix ans que je vis de ma passion qui est le recrutement tech.

Vincent [00:01:50] Merci Eva et bonjour ! Et enfin, nous accueillons également Gil. Salut Gil !

Gil [00:01:55] Messieurs-dames, bonjour ! Me concernant, j’ai 52 ans, je suis développeur chez Deezer depuis mars 2018. Développeur heureux chez Deezer. Et je développe depuis 1989 officiellement, vous voyez ça remonte un petit peu…

Loïc [00:02:11] A quelques siècles près, c’est la révolution !

Gil [00:02:13] Oui, exactement, tout à fait ! Non, mais en fait, ça m’a permis de voir pas mal de boîtes, pas mal d’évolutions — je pense qu’on va en parler — dans la société. Je suis très très heureux de faire cette émission en votre compagnie.

Vincent [00:02:26] Bien, merci beaucoup. On va donc revenir là-dessus plus longuement pendant le cœur de notre discussion. Nous allons donc parler de diversité dans la tech avant de conclure sur une note plus légère avec les coups de cœur de nos invités en fin d’épisode.

Loïc [00:02:45] Avant de commencer, un peu d’histoire ! Les femmes étaient les premières à s’attaquer au développement logiciel. Au début de l’histoire des ordinateurs, presque tous les développeurs étaient des femmes. Soyons clairs, avant que le développement logiciel n’existe, les femmes étaient considérées comme des calculatrices, c’est-à-dire qu’elles réalisaient les calculs demandés dans le cadre de projets scientifiques, d’ingénierie ou pour simplement envoyer des hommes sur la lune. Quand les ordinateurs tels que nous les connaissons ont commencé à arriver, les femmes étaient les premières et les plus nombreuses à coder les logiciels nécessaires. Encore une fois, que ce soit dans des objectifs de recherche scientifique, industrielle ou envoyer des hommes sur la lune. Mais alors, quand est-ce que les femmes ont été chassées des métiers de la tech ? Difficile à dire. Il n’y a pas de réponse claire malgré toutes les études sur le sujet. Cependant, certains événements y ont probablement fortement contribué. Par exemple, peu après la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis, avec les psychologues William Cannon et Dallis Perry, ont construit un test d’aptitude pour développeurs car c’était un métier nouveau et aucun barème n’existait alors. Cependant, bien que 50% des développeurs étaient des femmes à l’époque, sur les 1400 candidats au test, 1200 étaient des hommes. Vous imaginez donc bien le souci de représentation des femmes. Malheureusement, leur recherche a eu une très forte influence et ils se revendiquent même d’avoir créé les standards de l’industrie concernant l’embauche de développeurs. Pour l’anecdote, la Grande-Bretagne a perdu son leadership après s’être séparée de la majorité des femmes dans ses programmes de développement logiciel, possiblement en suivant les résultats de cette étude. Plus tard, on retrouve aussi cette différence de traitement entre les hommes et les femmes au niveau des jouets pour enfants. Dans les années 80, les jouets liés à l’informatique et à la technologie ciblaient principalement les garçons — comme les petites voitures — alors que les filles étaient cantonnées aux poupées et aux dinettes…renforçant davantage l’idée que les ordinateurs, c’est pour les garçons ! Aujourd’hui, les femmes doivent se battre dans un environnement hostile. Par exemple, certains pensent que les femmes auraient un regard différent et une façon de penser différente qui les amèneraient à être moins efficaces. Rien, aucune étude ni observation ne tend à prouver ni même corroborer un tout petit peu cette idée reçue. Les femmes travaillent dans un environnement hostile et se retrouvent dans des conditions déplaisantes, principalement dû au comportement des hommes. Ça les force souvent à devoir choisir d’autres carrières plus saines. Il est souvent oublié que cette différence entre hommes et femmes dans la tech n’est pas globale. L’Inde est un bon exemple car les femmes y ont une meilleure place dans la tech que le reste du monde. En Europe, dans certains pays, les femmes ont aussi une bonne place dans la tech, comme la Bulgarie et la Roumanie. En fin de compte, les raisons pour lesquelles il y a moins de femmes que d’hommes dans la tech sont probablement liées au sexisme et à notre monde patriarcal qui les chasse de la tech, comme dans beaucoup de métiers scientifiques et technologiques en général.

Loïc [00:05:34] Après ce court passage sur l’histoire, on va tout d’abord définir des bases pour clarifier le fondement de nos discussions. La première question qu’on va aborder, c’est : “c’est quoi la diversité ?” La définition sur laquelle on va se baser va être la suivante : “la diversité des effectifs consiste à avoir un ensemble de collaborateurs ayant des similarités et des différences en termes d’âge, de bagage culturel, de capacités physiques ou handicap, d’origine, de religion, de genre, d’orientation sexuelle, etc. qui travaillent tous dans un même endroit.” On va aussi parler de deux autres termes qui sont assez importants : on va parler de l’inclusion et de l’intégration. Ces deux termes semblent proches mais ce ne sont pas exactement les mêmes idées. L’intégration consiste à demander à quelqu’un de s’adapter quand il rentre dans un nouvel environnement professionnel. On lui demande de devenir une partie du groupe et d’agir comme les autres, d’être comme la majorité. On lui donne un modèle à suivre. Alors que l’inclusion, ça va être un renversement de ces efforts. Et on nous invite à réfléchir, nous le groupe accueillant, dans notre manière de travailler, à ce qui peut empêcher les autres individus d’avoir les mêmes chances que leurs collègues lorsqu’ils ont les mêmes compétences. L’inclusion, c’est donc l’action de créer un environnement dans lequel chaque individu ou groupe peut être et se sentir bienvenu, respecté, soutenu, apprécié, et à sa juste valeur.

Vincent [00:06:53] Il faut donc voir l’inclusion sur le lieu de travail comme un effort intentionnel pour créer une atmosphère d’appartenance dans laquelle à la fois la nouvelle personne qui arrive et les personnes déjà présentes peuvent contribuer et s’accomplir indépendamment de leur âge, de leur genre, de leur origine, de l’orientation sexuelle, etc. Et j’ai envie de commencer à poser à tous la même question : dans vos expériences professionnelles, est-ce que vous avez le sentiment d’avoir vécu plutôt de l’inclusion ou de l’intégration ? Est-ce que vous connaissiez déjà la différence avant ?

Laura [00:07:24] Moi, je n’ai pas beaucoup de points de comparaison parce que Deezer est ma première expérience professionnelle dans la tech. J’ai commencé par un stage chez Deezer il y a un an et demi de ça, et quand je suis arrivée en stage — et même avant que j’arrive en fait — j’ai senti que l’équipe me recrutait pour ce que j’étais, pour qui j’étais, pour mes compétences, pour mon envie d’apprendre — parce qu’entre nous, un stage, ça ne requiert pas de l’expérience, mais surtout un peu de niaque et de motivation ! Et ils ont bien vu que j’étais motivée et prête à apprendre, même si je n’avais jamais eu d’autres expériences dans la tech. Parce que, voilà, je suis en reconversion professionnelle. Avant, j’étais danseuse et comédienne et du coup, j’étais très, très loin de ce monde-là. Donc arriver dans une boîte tech comme Deezer, dans une équipe — en plus, je suis dans l’équipe Tooling donc on fait des outils pour les autres employés, donc c’est assez technique — je n’ai senti à aucun moment qu’il fallait que je sois comme eux. Au contraire, je pense qu’ils étaient très contents de recruter quelqu’un qui avait eu un parcours différent, qui était en reconversion professionnelle et qui était justement enrichi de ces expériences différentes, et qui pouvait peut-être apporter d’autres compétences sur la table. Et surtout, être en reconversion professionnelle, pour eux, ça voulait aussi dire que j’avais vraiment envie d’être là. Et du coup, du moment où ils m’ont contactée, pendant tous les entretiens, au moment où je suis arrivée, j’ai senti vraiment une forme d’inclusion, dans la mesure où j’ai été acceptée pour qui je suis. Je ne suis pas une nerd de jeux vidéo comme la plupart de mes collègues par exemple, et pourtant je ne me sens pas rejetée. Je n’ai jamais senti l’obligation de devoir participer à des activités autour des jeux vidéo ou je ne sais quel autre thème un peu nerdy ! Et dans ce sens, je pense que j’ai eu pas mal de chance — même si encore une fois, je n’ai pas de point de comparaison parce que c’est ma première expérience. Je pense que j’ai plus vécu une expérience d’inclusion que d’intégration.

Vincent [00:09:19] OK, je vais poser la même question à Eva.

Eva [00:09:22] Du coup, moi j’ai quelques anecdotes. Alors, sans vous donner les noms des entreprises parce que ce n’est pas le propos, par exemple, j’ai eu l’occasion de travailler dans le monde des grands magasins et de la mode. Et dès mon premier jour, on m’a clairement fait sentir que la façon dont je m’habillais, et forcément les intérêts que je pouvais avoir dans la vie, devaient maintenant tourner exclusivement autour de la mode. À tel point que tous les midis, on devait se rendre dans le grand magasin pour se “réabsorber” dans le monde de la mode. Par la suite, j’ai travaillé dans le monde des médias et pareil, dès les entretiens, on m’a tout de suite demandé et quelque part catégorisée selon le type de film que j’aimais, selon le type d’émissions que je regardais. Là aussi, c’était important de montrer qu’on adhérait à une certaine idée de la culture française et du coup, des médias qu’on consommait. En arrivant chez Deezer, pour moi, l’idée c’était vraiment de rompre avec ça en se disant “tiens, ne serait-ce que de rentrer dans une entreprise internationale ou au moins avec une petite coloration internationale, ça peut déjà casser directement ça”. Et c’était le cas, très clairement. Quand je suis arrivée, c’était la première fois pour moi que dans une équipe, il y avait notamment des gens qui n’étaient pas français et pas francophones. Rien que ça déjà, ça a complètement changé la façon de vivre au quotidien, et effectivement beaucoup plus du côté inclusion qu’intégration.

Loïc [00:11:04] Et du coup, cette différence entre intégration et inclusion, est-ce que c’est un concept que tu connaissais déjà ? Ou même, est-ce que tu avais déjà entendu parler de cette différence ?

Eva [00:11:16] Ah oui, complètement. Parce que côté RH, c’est vraiment des notions qu’on assimile normalement dans tous nos programmes, dans tout ce qu’on essaye de mettre en valeur. Alors, depuis pas tant de temps que ça, depuis peut-être à mon sens trois ou quatre ans, on commence vraiment à mettre en place des choses — pas que chez Deezer, de manière générale peut-être en France — autour de ça. Avant, c’est vrai que c’était plus ou moins la même notion diluée en disant “on accueille tout le monde” mais peu importe comment, et finalement peu importe le résultat.

Vincent [00:11:54] Et là, je vais me tourner vers Gil, toi qui as une expérience importante. Est-ce que tu as vu une évolution là-dessus ? Comment as-tu vécu les différentes intégrations ou inclusions que tu as pu vivre dans ta carrière ?

Gil [00:12:08] A l’évidence, évolution il y a eu, fort heureusement. Et pour moi, vraiment, la plus belle inclusion, elle est chez Deezer. J’ai été positivement choqué — je ne sais pas si on peut dire ça comme ça — en arrivant chez Deezer de l’inclusion qui a été faite de mon humble personne au sein de beaucoup d’équipes et pas seulement de ma petite équipe, mais un peu de partout. Et je trouve ça relativement admirable et fort heureux parce que j’ai vécu énormément d’intégrations où on vous plaçait quelque part, dans un petit cercle, et vous ne bougez pas. Effectivement, je pense qu’on va peut-être en parler aussi mais la place des femmes entre autres, et de la diversité, avant ça n’existait pas. S’il y avait une dame qui était au milieu, là, c’était un OVNI. Tout le monde la regardait, on n’osait pas lui parler. Enfin bon, c’était catastrophique ! Et aujourd’hui, je suis vraiment très heureux d’avoir dans mon équipe proche, par exemple, une développeuse et des gens de toutes origines. Je trouve ça très enrichissant et ça fait respirer !

Loïc [00:13:17] Et tu saurais nous dire à peu près vers quelle époque cette distinction entre “tout le monde doit rentrer et s’intégrer dans les équipes” et “on doit inclure les nouveaux arrivants” s’est faite ? Est-ce que pour toi, il y a un moment dans le temps où il y a eu un changement ? Ou est-ce quelque chose de progressif ? Ou est-ce vraiment lié à l’entreprise elle-même ?

Gil [00:13:38] Mes deux dernières expériences avant Deezer datent un peu parce que j’ai eu un break de quatre ans où je n’ai fait que de la musique, et après je suis arrivé chez Deezer. Mais mes deux expériences d’avant, ce n’était pas du tout inclusif. C’était très difficile je trouve. Il y avait beaucoup d’individualisme et on rejetait la personne qui était un minimum différente… Enfin, “on”, c’était un ensemble quoi. Moi, je ne comprenais pas comment ça fonctionnait. Je vais faire un petit parallèle dans la société puisque j’ai de l’expérience — ou de l’âge en fait, ça dépend ! En deux mots, je viens des quartiers nord de Marseille et — je fais un amalgame avec de grands guillemets — il y avait toutes les couleurs de l’arc en ciel. Donc tous mes potes et mes copines, et autres… Je ne voyais aucune différence entre moi et les autres personnes. Que ce soit une fille ou quelqu’un qui venait d’origines différentes. Et en fait, c’est en arrivant dans ce milieu très masculin de la technique, de la technologie, que ça m’a un peu un peu choqué, et je n’ai pas vu d’évolution jusqu’à ce que j’arrive chez Deezer. Et là, ça n’a pas été une évolution, pour moi c’est une révolution complète. Heureusement. Et je me suis retrouvé presque en enfance en me disant “ben ouais, c’est normal”. Voilà, j’espère que ça répond à ta question !

Loïc [00:15:00] Tout à fait.

Vincent [00:15:02] J’aimerais qu’on revienne un peu au tout début du parcours de quelqu’un dans une entreprise. Ce parcours, ça commence par le parcours de recrutement. Et donc là, je me retourne vers notre spécialiste en plateau, Eva. Comment est-ce qu’on aborde ça avec les équipes qui recrutent et comment on gère ça au quotidien ?

Eva [00:15:23] Déjà, je pense qu’il ne faut pas éluder le fait que c’est un moment stressant, le recrutement, parce qu’on remplace quelqu’un de l’équipe qui est parti. C’est un manque, on a peur parce qu’on ne sait pas qui on va retrouver après… Donc je pense qu’il faut vraiment agir très en amont, notamment quand on fait un brief, en disant : “la personne est partie, on la remplace aujourd’hui, donc déjà, est-ce qu’on peut anticiper et regarder l’état de ton équipe de façon très pragmatique ?” En disant : “aujourd’hui dans ton équipe, est-ce que tu te rends compte, par exemple, que tu n’as que des développeurs qui ont entre 35 et 40 ans, qui ont tous fait l’Epitech et qui sont passés par le même type de boîte, avec le même type d’évolution ? Est-ce qu’aujourd’hui tu te sens prêt, dans la composition de ton équipe, à inclure quels types de diversité ? Et ça passe par quoi ?” Bien sûr, une femme, ça ne pose absolument aucun sujet. C’est le même type de compétences donc il n’y a pas de sujet. Mais par exemple, quelqu’un qui ne parlerait pas français, quelqu’un qui va être en full remote, quelqu’un qui vient de reconversion, quelqu’un qui est beaucoup plus jeune, quelqu’un qui est beaucoup plus âgé, quelqu’un qui a peut-être fait que six mois de la technologie qui va servir mais qui a par contre un parcours de dingue avant et qui a fait d’autres choses… Ça, c’est des questions qu’il faut vraiment poser de façon très concrète dès le brief. Et tout de suite se dire : “finalement, les peurs que tu peux avoir à intégrer tel ou tel type de profil, ça vient de quoi ? Parce que concrètement, la personne, elle va faire quoi dans ton équipe ? Et tu as besoin de quoi vraiment comme type de compétences ?” Et du coup, à partir de ça, vers quel type de diversité on pourrait se tourner, et dans quel timing aussi ? Parce que c’est toujours la première diversité dans l’équipe qui va être marquante — donc il faut s’assurer que ça se passe bien aussi. Et puis se dire petit à petit : “qu’est-ce qu’on peut ajouter ?” Pour vous donner un exemple très concret — ce n’est pas du tout le cas chez Deezer, mais c’était le cas dans mon expérience précédente, ils étaient extrêmement focus sur le niveau d’éducation. Donc concrètement, à moins de bac +5 et moins d’écoles Top 5 en France, ça ne passait pas. On ne pouvait même pas présenter le CV. Et se dire que, petit à petit, on arrive à dire bac +5 mais d’une école un peu moins “foufou”, puis bac +4, et finalement terminer avec quelqu’un qui n’a pas d’école, ça prend du temps. Il faut aussi construire une confiance entre les recruteurs et les managers, mais c’est possible. Quelque chose qui marche très bien, ce sont les séances de “peer hunting” on va dire. En gros, on va sur LinkedIn, on regarde les profils qui, par rapport aux compétences dont vous avez besoin, existent — enfin, en tout cas ceux qui sont sur LinkedIn. Et ça, ça permet aussi de se dire : “voilà, ça, c’est le marché aujourd’hui. Regarde tout ce qu’il y a, regarde tout ce qui existe, des gens qui sont par exemple dans des entreprises que tu trouverais super mais qui n’ont pas du tout le bac et ça marche très bien pour eux. Qu’est-ce tu en penses ?” Et en regardant vraiment les gens, on se dit “ben en fait, oui, lui il est très bien, elle, elle est très bien, ce garçon qui est à Montpellier, finalement youpi, ce garçon qui, à la base, est développeur Python, ben vive le PHP, etc.” Enfin voilà, ça marche aussi. Être très pragmatique, je pense que ça marche bien.

Loïc [00:18:44] Et as-tu déjà eu le cas de personnes justement qui se sont fermées ou qui ont refusé certaines diversités ? Peut-être des cas particuliers ou parfois des idées reçues ? En disant : “ça, ce n’est pas possible, je pense que ça ne pourra pas fonctionner” ?

Eva [00:18:59] Oui. Mais alors, plus loin que la diversité — enfin pour moi, ce n’est pas forcément de la diversité — c’est de se dire, par exemple : “je ne veux pas quelqu’un qui a fait des boîtes de presta, je ne veux pas quelqu’un qui est passé par telle boîte parce que je sais que c’est tous des abrutis, parce que j’en ai rencontré un qui était pas bien alors c’est tous des abrutis…” Je n’ai jamais eu personne qui m’a dit frontalement “ah non, ce CV de quelqu’un qui vient du Maroc, je n’en veux pas, ce CV féminin, je n’en veux pas”. Bon heureusement, normalement ça n’existe plus vraiment, en tout cas pas chez Deezer. Je pense qu’il faut être, là aussi, un moment très clair sur les choses qu’on peut éventuellement accepter sur le ton de la plaisanterie. Mais très vite, si on regarde derrière en disant : “écoute, on va être très clair : regarde son CV, elles sont où les compétences ? Elles sont là ? Elles ne sont pas là ? Si elles sont là, tu passes une demi-heure avec lui au téléphone.”

Loïc [00:19:58] Est-ce que pour vous, le fait qu’on ait des gens différents, c’est un atout pour l’entreprise, et potentiellement pour son produit ? Si oui, comment ? Sinon, expliquez-vous.

Gil [00:20:12] C’est même plus “important”, c’est absolument primordial d’avoir — alors je fonctionne beaucoup par couleurs, donc je me répète — d’avoir des couleurs différentes dans une équipe. Ça permet d’avoir évidemment des visions différentes, des idées différentes, et puis d’apporter les sujets auxquels on ne pense pas. Par exemple, tout ce qui est accessibilité, c’est-à-dire pour les malvoyants, etc. Comment effectivement faire que le produit soit utilisable aussi pour les malvoyants ? C’est hyper important mais, entre guillemets — attention, boutade, nous on ne le voit pas. Justement, Dorothée, développeuse iOS que je nomme ici, est très sensible à ça et elle a sensibilisé l’équipe. Ce qui fait que c’est un apport absolument essentiel, autant que l’apport de Florian par exemple, qui est une personne bien plus jeune que moi puisqu’il a mon âge à l’envers, donc je vous laisserai calculer ! Et en fait, tout ça amène tous les ingrédients, un petit peu comme en cuisine : si vous faites des haricots verts avec des haricots verts et un peu de haricots verts, ça n’a pas de goût. Mais tous ces ingrédients-là font qu’il y a quelque chose qui se passe, le gâteau monte et le produit en devient — je l’espère — meilleur — et on est là pour ça.

Vincent [00:21:36] Oui, puis j’imagine que l’international aide aussi à avoir un produit qui est très adapté. J’ai une feature en tête — sur laquelle tu as peut-être travaillé — qui était le “Dimanche Détente”, si je me souviens bien du nom. Sauf que dans certains pays, en fait, le dimanche n’est pas un jour de détente, donc il a fallu repenser un peu le produit pour ça. Et c’est vrai que ça peut être des apports qui aident à avoir un produit plus riche et plus ouvert.

Laura [00:22:04] Un autre exemple qui me vient en tête, qui n’est qu’une fonctionnalité assez récente sur le produit justement, il me semble : c’est le formulaire d’inscription pour un nouvel utilisateur. Puisqu’il n’y a pas si longtemps que ça, il fallait qu’on choisisse son genre entre femme et homme. Bon après, la décision de mettre le genre dans ce formulaire-là est une autre discussion, mais au moins récemment, on a pris en compte le fait que le genre n’était pas une question binaire et qu’on pouvait être autre chose qu’une femme ou un homme, qu’on pouvait être non binaire, trans, etc. Et du coup, on a inclus cette option-là dans ce formulaire, et c’est quelque chose dont je suis assez contente parce que ça concerne beaucoup de personnes qui ne se retrouvent ni dans le genre femme, ni dans le genre homme. Et effectivement avant, ces personnes-là, quand elles s’inscrivaient sur Deezer, devaient choisir entre deux options qui ne leur correspondaient pas. Du coup, il y a un manque de représentation pour eux. Déjà si dès l’inscription, tu ne te retrouves pas en tant qu’utilisateur, je pense que ton expérience globale du produit en est entachée. Même si tu peux avoir toute la meilleure musique du monde que tu veux dans tes playlists, si déjà dès l’inscription, tu te sens rejeté, c’est plus compliqué je pense. Donc effectivement, oui, je pense que la raison aussi pour laquelle on a mis cette troisième option récemment, c’est que jusqu’à maintenant, au produit et à la tech, peut-être qu’il n’y a personne qui s’identifiait comme non binaire, et du coup ça n’a traversé l’esprit de personne.

Loïc [00:23:31] Il n’y avait peut-être personne qui s’identifiait de cette manière et il y avait peut-être aussi besoin d’un climat suffisamment ouvert pour s’exposer. Parce que quand on parle de ces sujets-là, il y a un problème lié à l’exposition. Tout le monde n’est pas prêt à en parler et on a besoin d’avoir un contexte qui est favorable, et qui est explicitement favorable. Parce qu’en tant que personnes non concernées, on va avoir tendance à se dire “oui, mais moi tout va bien, ça ne me dérange pas, il n’y a pas de problème, je ne vois même pas où est la question”. Alors que de l’autre côté, si ce n’est pas explicitement indiqué, ce n’est pas compris comme ça parce que la société aujourd’hui n’est pas du tout inclusive naturellement comme ça, et qu’il y a toujours une méfiance par rapport à tous ces aspects-là. D’avoir un environnement qui favorise de manière explicite les discussions autour de ces sujets-là, sans pour autant stigmatiser les gens, c’est important. Et j’ai l’impression, personnellement, que ce soit à Deezer ou dans d’autres environnements, que sur les quelques dernières années — je ne saurais pas dire combien — les chakras se sont très ouverts on va dire, et il y a beaucoup plus d’acceptation, même si ce n’est pas parfait et qu’il y a toujours…ben comme toujours, les blagues qui ne sont pas drôles, les remarques qui blessent sans que les personnes qui les font s’en rendent compte… Mais ça a tendance à diminuer. Et ce qu’on dirait en anglais, l’”awareness”, la conscience de tout ça, j’ai l’impression qu’elle s’améliore. En tout cas, moi, sur les cinq dernières années, j’ai eu une vraie impression d’amélioration par rapport à ça, y compris à Deezer. Peut-être liée au fait que Deezer est une boîte très jeune. Je ne sais pas si l’âge a un impact là-dessus… Gil a tendance à prouver le contraire !

Gil [00:25:25] Je vous remercie ! Je te rejoins, dans la société généralement, il y a une vraie prise de conscience de tout ça — et dans les sociétés d’autant plus — et ça fait du bien de ne plus avoir effectivement à entendre ces blagues plus que douteuses, que ce soit sur un sexe différent ou sur des origines différentes. Et franchement, je le répète une fois de plus, je ne sais pas si le mot “bienveillance” est galvaudé ou pas, mais je sais que je le ressens tous les jours chez Deezer. C’est bienveillant et je viens le matin le cœur léger.

Laura [00:26:09] Moi je suis assez d’accord avec ce que vous dites, mais il faut garder à l’esprit aussi que c’est un travail de tous les jours. C’est un combat pour beaucoup de minorités depuis des décennies et ça commence à peine à faire son effet, justement à l’échelle de la société, et donc à l’échelle de la tech, du milieu tech de manière générale. Et justement, comme c’est un combat, il ne faut pas qu’on perde ça de vue. Il faut continuer de manière proactive à se battre justement pour plus d’inclusion, plus de diversité. Peut-être qu’Eva, tu voudras mentionner ce qu’on fait chez Deezer pour ça ? Il y a une directive de la part des équipes RH pour la diversité et l’inclusion justement, que je trouve assez chouette et à laquelle je participe. C’est une des manières de dire : “on a des résultats qui se font un peu naturellement parce que l’ouverture d’esprit dans la société change, mais aussi parce qu’il faut qu’on prenne des actions directes.”

Loïc [00:27:06] Eva, parle-nous de cette initiative !

Eva [00:27:08] Il y en a beaucoup ! Parce que, comme tu le disais Loïc, il ne faut pas simplement se dire : “oui, on est pour et on ne le dit pas”. Il faut très explicitement, de la part de tout le top management, être très clair sur le fait qu’aujourd’hui c’est une priorité chez Deezer, la diversité et l’inclusion. Il faut être très clair aussi sur le fait que les comportements non bienveillants ne sont absolument pas tolérés et seront clairement punis. Et également prendre des actions très concrètes, petits pas par petits pas pour arriver à plus de diversité et ensuite plus d’inclusion chez Deezer. Ça a commencé, notamment là aussi très concrètement, par un questionnaire envoyé à tous les salariés de Deezer pour se dire : “concrètement, aujourd’hui, où en êtes-vous par rapport à ces questions ? Comment est-ce que vous percevez la chose ? Comment percevez- vous la diversité et l’inclusion chez Deezer ? Quels sont a priori les chantiers qui vous semblent prioritaires et sur lesquels il faut peut-être s’investir davantage tout de suite ? Et puis après, ceux qui viendront par la suite ?” Ça a été plutôt éclairant, il y a eu une belle participation et les trois grands chantiers sur lesquels les personnes chez Deezer se sont exprimées sont la diversité hommes-femmes, la partie ethnicité — alors le mot est un peu difficile, c’est une notion qui est compliquée à gérer en français et dans le cadre légal français — et la partie handicap. Du coup, l’idée, c’était, à partir de ces trois grands thèmes, de définir des sous-thèmes sur lesquels on va travailler de façon très pragmatique, avec plein de personnes chez Deezer — dont Laura notamment — pour en sortir des actions très concrètes. Même si côté — alors je dis “RH” mais en fait c’est côté management — on a déjà bien sûr commencé à faire des choses. Typiquement, par exemple aujourd’hui, on a un partenariat avec Ada Tech School. Ada Tech School est une école qui est notamment spécialisée dans la reconversion, après votre dernière école ou après deux-trois ans en entreprise en général. Ce sont majoritairement des femmes mais pas que, on va dire que c’est 90% de femmes, 10% d’hommes. Aujourd’hui, on a un partenariat avec eux, comme c’est le cas de ManoMano ou du Bon Coin par exemple. Mais on a — on peut être assez fier — le plus gros partenariat avec Ada aujourd’hui. Et donc ça passe par exemple par le fait d’accueillir des alternants de chez Ada chez nous, ça passe par le fait d’avoir des conférences de gens d’Ada qui viennent chez nous — on a déjà eu une première conférence assez chouette sur comment démystifier un peu les préjugés dans la tech et notamment autour des femmes. Et on a repris quelques-unes des idées que tu énonçais en début de podcast, justement sur : pourquoi les femmes, à un moment, ont disparu de la tech et comment est-ce qu’on fait pour les remettre dedans ? Ça passe par le fait aussi de signer et de s’engager de façon explicite et écrite sur le fait que nous, on veut de façon très concrète, par exemple, que nos annonces de postes, elles soient… Enfin, par exemple, qu’une femme qui lirait ce type d’annonce ne se ferme pas en se disant “ce n’est pas pour moi”. Ça peut paraître très bête mais si une femme n’a pas 100 % des compétences listées sur une job ad, elle ne va pas postuler, alors qu’un homme en général, s’il a à peu près 60%, il va dire “je tente le coup”.

Vincent [00:30:43] “Ouais, ça passe !”

Eva [00:30:44] Voilà, “ça passe” ! Mais effectivement, une femme va dire “ben non, je ne tente pas”. Elle va s’autocensurer en fait. Et donc on veut être très clair sur le fait qu’on veut au moins que, par exemple, tout le processus de recrutement soit — autant que faire se peut — absolument exempt de tous ces moments où quelqu’un — n’importe quelle personne — pourrait s’autocensurer parce qu’elle va voir quelque chose qui va lui faire penser qu’a priori, chez Deezer, elle n’est pas la bienvenue.

Vincent [00:31:08] Ça, c’est toutes les actions qu’on va mener pour essayer d’améliorer les choses. Est-ce qu’on a une idée des chiffres sur l’état de la diversité chez Deezer, par exemple là, à date ?

Eva [00:31:16] Alors côté hommes-femmes, par exemple sur la partie Product & Tech — et en fait tous les métiers tech, en “femme contributeur unique” on va dire, on est à peu près à 21,4% aujourd’hui. Ce qui, par rapport à une moyenne européenne de 26%, n’est pas fou, mais c’est correct. Sur la partie “ethnicity”, concrètement en France, comme on n’a pas le droit de compter, on va être très clair, je ne peux pas vous répondre. Par contre, je peux vous dire que, par exemple sur le HQ de Paris, on a au moins 50 nationalités qui sont présentes. Donc a priori, ça veut quand même dire qu’on a une certaine diversité. Sur la partie handicap, là aussi pour l’instant c’est compliqué de vous répondre parce que, là non plus, on n’a pas vraiment le droit de compter. On peut le faire dans d’autres pays, mais pas ici. On peut le prendre par un autre biais, par exemple le biais de l’index d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui était à 89 en 2020, et 86 en 2019, donc ça a un petit peu évolué. C’est un indicateur — pour être tout à fait franche — que je n’aime pas beaucoup parce qu’en fait, tous les critères sont publiés à l’avance. En gros, on sait déjà sur quoi il faut travailler pour augmenter parfois un peu artificiellement ce critère. Ce n’est pas ce qu’on fait chez nous, mais pour des entreprises qui voudraient avoir 95 sur 100, elles savent par exemple qu’elles doivent travailler un tout petit peu sur le retour de congés maternité, elles savent qu’elles doivent travailler un tout petit peu sur les écarts de salaires entre hommes et femmes. Moi, ça me gêne que les consignes soient publiées à l’avance et qu’on sache ce qu’il faut faire pour arriver à 100 %. C’est un indicateur qu’on fait progresser chaque année, donc ça veut quand même dire qu’on progresse chaque année. Mais il y a d’autres indicateurs, et notamment le pourcentage de femmes qui sont présentes chez Deezer, notamment dans les postes tech mais pas que, et aussi à des postes de management dans la tech. C’est dans ce sens-là, par exemple, qu’à Deezer, on a signé l’engagement Tech for Good. Et dans un des engagements Tech for Good, il y a par exemple le fait de se dire qu’en 2022, on doit être à au moins 30% de femmes dans les postes de management — alors ça, c’est sur tout Deezer donc concrètement on y est déjà, mais on va quand même se dire qu’on ne va pas se satisfaire d’être à plus de 30 % et qu’on va aller plus loin. Et après — bon ce n’est pas très clair, est-ce que c’est 2022, 2023 ou 2024 ? — ce serait d’atteindre 30% aussi côté femmes dans la tech. Mais bon, ça clairement, on ne va pas attendre 2024 pour y arriver, même si ça fait un gros effort. Ce qui veut dire aussi que si vous avez des femmes à coopter, n’hésitez pas car c’est aussi par là qu’on y arrivera. Et clairement, pour une femme par exemple, de pouvoir être cooptée dans une entreprise, ça a une vraie valeur et c’est une vraie indication que c’est un endroit qui va être inclusif et intéressant pour elle. Donc c’est aussi un moyen d’en faire venir plus.

Loïc [00:34:06] J’ai une question pour vous tous : quelles sont les actions que vous faites au quotidien en tant que salarié de Deezer — qui pourraient être à Deezer ou ailleurs, l’entreprise n’est pas très importante dans l’histoire, qu’est-ce que vous faites au jour le jour pour justement lutter contre le sexisme par exemple, ou les discriminations d’une manière générale ? Je vais peut-être donner un exemple me concernant. Ça m’est arrivé régulièrement dans des discussions, que ce soit orales ou même écrites — typiquement sur les chats internes — de répondre à des commentaires qui étaient ou pouvaient être sexistes que je trouvais ça soit pas drôle, soit déplacé, soit qu’en vrai, ça n’apportait rien. Je ne sais pas si vous avez, par rapport à vos histoires professionnelles, comme ça, eu des comportements volontaires pour casser une discrimination ou avoir un peu de pédagogie envers quelqu’un.

Laura [00:35:04] Personnellement, ce que tu viens de décrire, je le fais beaucoup, notamment par écrit. Pas forcément avec des gens de mon équipe d’ailleurs, mais sur des channels Slack où je peux être présente ou des channels plus généraux si je vois des choses qui me choquent et que je ne trouve vraiment pas acceptables. Certains diront que j’exagère un peu, mais moi je suis intransigeante là-dessus. Je pense que Slack, c’est fait pour parler de boulot et rien d’autre. Et c’est bien qu’on ait des channels dédiés pour s’envoyer des memes, des blagues et tout. C’est bien d’avoir une ambiance détendue à l’écrit, mais ça reste un réseau professionnel et ça reste un réseau où tu ne peux pas te permettre de faire des blagues qui sont “à la limite”. Pour moi, “à la limite”, c’est déjà trop loin en fait. Donc je ne vais pas hésiter à dire haut et fort et à carrément répondre à la personne : “ce que tu viens de dire, ce n’est pas ok, je suis offensée, est-ce que tu peux retirer ton message ?” En général, je n’ai pas besoin d’aller aussi loin parce que les gens me soutiennent là-dedans. Mais j’essaie de ne pas me taire quand je vois ce genre de blagues qui ne passent pas. Et si j’en ai l’occasion, et s’il y a des domaines dans lesquels je suis un peu plus éduquée que mes collègues et qu’ils me posent des questions sur certains sujets, je n’hésiterai pas soit à les renvoyer vers des liens ou des ressources pour qu’ils en apprennent plus, soit à leur dire carrément ce que j’ai compris de la question. Un exemple très concret : je ne sais plus au détour de quelle conversation je parlais des pronoms d’une personne et quelqu’un me demande “les pronoms, mais alors du coup en anglais il y a le pronom neutre, mais en français, qu’est-ce qu’on dirait ?”, à me poser des questions comme ça. Et du coup, j’ai eu l’occasion soit de lui dire ce que moi j’avais compris de cette histoire, et surtout de lui dire “en fait, pour les pronoms, c’est simple : si tu n’es pas sûr, demande à la personne quel pronom la personne souhaite utiliser — et puis comme ça, tu es sûr que tu ne lui feras pas de mal, et surtout, ça lui fera plaisir”. Parce qu’en fait, il y a tellement de gens qui utilisent des pronoms différents justement, et à qui on ne demande pas, et qui sont du coup mégenrés. Et ce n’est pas très inclusif de mégenrer les gens ! Voilà, j’essaye d’éduquer quand j’ai les moyens de le faire, même si je ne prétends pas tout connaître sur les sujets “diversité et inclusion”. J’ai beau être ambassadrice “diversité & inclusion”, on a été formé sur ces sujets-là, mais on continue à se former. C’est une formation continue en fait. Tu n’as jamais fini d’en apprendre plus sur la situation des autres et sur la diversité. Donc, quand j’en ai la possibilité, j’essaye d’éduquer un peu autour de moi, ou alors j’essaie de m’éduquer en premier lieu et ensuite d’aller transmettre les infos.

Loïc [00:37:36] Eva ou Gil ?

Gil [00:37:38] J’ai eu la chance pour l’instant de ne pas avoir — chez Deezer — à m’offusquer de beaucoup de choses parce qu’en fait, dans notre équipe, il n’y a aucun souci là-dessus. Parce que je pense que les gens sont conscients du fait que, par exemple, le sexisme n’a absolument aucune place chez nous. Par contre, comme je suis musicien, je vais sur des forums et il y a un énorme forum qui a 50 000 membres je crois, ou un truc comme ça. Il y a une demoiselle qui est absolument exceptionnelle, qui est une compositrice et qui fait des vidéos sur YouTube pour expliquer ses compositions ou le matériel qu’elle utilise, ou ses instruments virtuels. C’est absolument génial. Et évidemment, il y a toujours quelqu’un qui arrive et qui dit : “ah c’est sympa, et puis en plus, franchement tu as vu, elle est super jolie…” Tout ça dans un forum où l’on parle de musique, d’art et de technique. Bon, il se fait très très vite remettre à l’endroit, heureusement. De ce que j’ai vu de la personne qui a dit ça, ce n’est pas une personne qui a mon âge, c’est aussi une personne jeune. Ce qui veut dire qu’il y a encore, malgré le fait que dans notre société d’aujourd’hui, on est quand même beaucoup plus conscients de beaucoup de choses, il y a quand même encore, malheureusement, des personnes qui attaquent encore au nom du sexisme ou au nom — je suppose évidemment — du racisme et autres fléaux.

Eva [00:39:04] Oui, effectivement, pour moi, il y a deux choses à faire. La première : vous trouvez tous normal de faire de la veille sur vos métiers respectifs. Eh bien, à ce même titre, c’est normal de faire de la veille pour s’éduquer quelque part en tant que meilleur individu sur ces questions. Il y a énormément d’articles qui existent, il y en a des très, très, très bien qui sont faits tous les jours. La deuxième chose effectivement — et je pense que ces types d’actions vont se multiplier chez Deezer, ce sont des moments de connaissance. Est-ce que ce sont des conférences ? Est-ce que ce sont des petits moments où l’on fait des role plays ensemble, où l’on fait un petit training par exemple pour comprendre ce que sont des “biais inconscients” ? Si les gens ne connaissent pas le concept de “biais inconscients”, je pense que c’est vraiment la clé. Il faut vraiment, absolument, se former sur ce sujet-là. Il y a plein de choses qui existent, il y a des outils géniaux qui existent pour prendre conscience de ses propres biais et à partir de ça, se dire : “qu’est-ce qui existe comme type de biais ? Comment est-ce que je peux les comprendre ? Comment est-ce que je peux les effacer de mes comportements tous les jours ?” Et ça, c’est vraiment la clé pour commencer à travailler sur ces sujets-là. Et ce qui est quand même particulièrement frappant chez Deezer — et quand je suis arrivée, je crois que c’est le premier jour, c’est la première chose que j’ai vu sur un Slack channel : j’ai vu quelqu’un s’excuser. Et c’est la première fois de ma vie qu’en entreprise, je vois quelqu’un s’excuser publiquement par écrit devant tout le monde parce qu’il a eu…ce n’était même pas un comportement sexiste ou autre, c’était un comportement où il a été trop en colère ou trop virulent dans ses propos. Et c’est la première fois de ma vie que je vois ça, et c’est la première chose que j’ai marqué dans mon rapport d’étonnement en disant : “chez Deezer, c’est normal de s’excuser”. Et je pense que ça passe aussi par là : se dire qu’à un moment, on ne connaît pas tout, on a dit des choses qui étaient blessantes. Avoir le courage de dire “je suis désolé, j’ai merdé”, c’est aussi quelque chose qui montre une certaine évolution de notre façon de vivre ensemble et qui fait vraiment du bien.

Vincent [00:41:03] Je trouve que c’est une très bonne note pour arrêter cette discussion en tout cas. Je trouve que ça a été super enrichissant et vraiment très intéressant. Merci à tous les trois. Donc on l’aura compris, c’est un travail qui va encore durer longtemps, parce que l’inclusion est un sujet qui ne finit pas. On l’avait dit de toute façon, on ne pourrait pas tout traiter aujourd’hui. En tout cas, ça nous donne pas mal de pistes d’évolution pour la suite.

Loïc [00:41:27] Et du coup, on va passer à la partie fun !

Laura [00:41:31] Parce que la diversité, c’est pas du tout fun ?

Loïc [00:41:36] Alors, si !

Laura [00:41:37] La partie “légère”, tu voulais dire.

Loïc [00:41:39] Voilà, c’est ça. Alors on la refait : on va passer à la partie plus légère, les coups de cœur ! Sur Deezer, vous pouvez mettre en favori un peu ce que vous voulez et la question, c’est : partagez-nous le coup de cœur que vous aimeriez partager. Sans contrainte.

Laura [00:42:04] Je vais commencer, tout le monde me regarde ! C’est un truc que j’ai découvert récemment — mais je crois que ce n’est pas récent du tout, un peu particulier, qui s’appelle “Plantasia” de Mort Garson. Et c’est tout simplement un album qui est une symphonie pour les plantes. C’est de la musique pour plantes et pour les gens qui aiment les plantes — enfin, c’est le pitch sur l’album en tout cas. Et je ne sais pas, ça a quelque chose de très éthéré. C’est beaucoup de synthés, mais en mode symphonique en même temps, très légers. Je trouve que c’est de la bonne musique à écouter quand on se balade dans la nature ou même juste dehors dans la ville.

Gil [00:42:40] Ça me fait un peu penser à “Végétal” d’Émilie Simon, qui est un album exceptionnel. C’est très végétal comme album.

Loïc [00:42:46] Eva ?

Eva [00:42:50] Moi, je cherchais la semaine dernière des chansons pour faire un “lipsync battle”. Alors un “lipsync battle” — on voulait faire ça avec l’équipe RH — en gros, vous ne devez pas chanter mais mimer avec votre bouche la musique pendant qu’une musique passe, et idéalement danser et chanter en même temps. Il n’y a pas tant de chansons qui sont bien pour faire ça — si on passe les chansons Disney et les chansons d’Abba, qui sont en général la référence pour ce genre de choses. Voilà, donc je pense que je vais travailler sur “I AM” de Club Yoko, qui est une chanson très entraînante et qui passera très bien pour le lipsync. Je ne danserai pas mais ce sera pas mal !

Vincent [00:43:30] Et Gil ?

Gil [00:43:32] Alors je suis embêté parce que c’est difficile de sortir un coup de cœur… Vu mon âge, j’ai hésité avec “The Ecstasy of Gold” de Morricone, des trucs de Keith Jarrett, un pianiste en solo en concert à Cologne — “The Köln Concert”. Et puis en fait, il y en a deux vraiment qui, selon moi, m’ont construit. Vous allez voir, encore une petite boutade ! Le premier qui m’a construit, c’est “The Wall” de Pink Floyd. Parce que je l’ai joué sur scène 30 fois, je l’ai chanté, je l’ai réécrit pour orchestre, j’ai une brique à la maison du dernier concert de Roger Waters, en carton.

Loïc [00:44:08] Je suis jaloux !

Laura [00:44:09] Moi aussi !

Gil [00:44:13] C’est un album qui m’a construit en 79. La première fois que je l’ai entendu, j’ai fait “what?” Alors ça, c’est vraiment le premier truc. Et puis le deuxième truc, c’est un groupe qui s’appelle Marillion, un groupe anglais. La chanson s’appelle “Lavender”, elle parle de Lyon, où j’ai vécu. Elle parle de beaucoup de choses… Et Marillion, en fait, j’ai joué avec eux en décembre 2019 à Pleyel, j’y ai dirigé un chœur. C’est aussi un groupe qui m’a construit. C’est un vieux groupe, ils ont commencé en 83 donc ils ont à peu près mon âge ! Ce sont des gens qui ont une discographie exceptionnelle et qui font passer des émotions. Et je pense que pour moi, c’est ça le principal dans la musique.

Loïc [00:44:52] Je ne peux que valider Pink Floyd.

Laura [00:44:54] Ah oui, moi aussi.

Vincent [00:44:54] Pareil !

Loïc [00:44:56] Si ça t’a construit, ça m’a aussi construit. Alors qu’on a quelques décennies d’écart !

Laura [00:45:01] Pareil !

Gil [00:45:02] Ah tout à fait ! Ça a dû construire beaucoup de gens. Je suis très étonné, agréablement surpris. La bonne musique, c’est de la bonne musique !

Laura [00:45:08] C’est vrai.

Loïc [00:45:09] Moi, j’ai toujours été jaloux de mes parents qui me disaient “ah ouais, le concert de Pink Floyd à Versailles, c’était top ! D’ailleurs, on t’avait laissé chez ta grand-mère.”

Gil [00:45:19] Scandale !

Loïc [00:45:21] Eh bien, merci beaucoup à vous tous pour votre participation à cette première. On espère peut-être vous revoir un jour, mais d’ici là, bonne musique !

Laura [00:45:31] Oui, merci !

Eva [00:45:32] Merci beaucoup.

Vincent [00:45:32] Merci à tous.

Gil [00:45:33] Merci. Ce fut un plaisir !

Références