Deez is la tech — Épisode 4— Les royalties

Comme le titre de cet article l’a dévoilé, le quatrième épisode de Deez is la tech s’attaque à un sujet aussi complexe que fascinant : les “royalties” !

Note: This post accompanies the release of the fourth episode of “Deez is la tech”, a podcast created by Deezer’s Product & Tech teams — in French only for now. You will still find English content on deezer.io though. Go check it out!

Résumé de l’épisode

Deezer donne accès à ses utilisateurs à des contenus, notamment musicaux, créés par des artistes. À ce titre, Deezer est tenu de leur verser une rémunération, plus communément appelée “royalties”. Mais en quoi consistent exactement ces royalties ? Comment sont-elles calculées et distribuées ? Comment lutter contre la fraude aux écoutes ? Comment rémunérer plus justement les artistes ?

Recording, publishing, labels, providers, SACEM, etc., autant de termes que Thibault Roucou (Head of Royalties & Reporting) et Joris Vandermeulen (Senior Data Engineer) s’attellent à éclaircir dans cet épisode. Ils nous expliquent comment, grâce à des outils internes et à la Big Data, plusieurs milliards d’écoutes sont traitées chaque mois sur Deezer, et comment les créateurs de musique sont rétribués en conséquence. Ils évoquent également la lutte contre la fraude à grand renfort de Data Science, ainsi que la réflexion initiée par Deezer afin de promouvoir un nouveau système de rémunération des artistes, l’UCPS.

Comme toujours, cet épisode est animé par Loïc Doubinine (@ztec6) et Vincent Lepot (@neozibok).

Transcript

[00:00:07.080] — Vincent : Bonjour et bienvenue dans Deez is la tech, le podcast qui n’pète ni les plombs, ni les crons ! Je m’appelle Vincent, heureux d’animer ce nouvel épisode. Je suis aujourd’hui en compagnie de Loïc, qui va coanimer avec moi. Salut Loïc, comment ça va ?

[00:00:22.830] — Loïc : Salut Vincent, ça va très bien, merci. Aujourd’hui, nous allons animer ensemble un nouvel épisode de ce podcast tech made in Deezer. Et le sujet d’aujourd’hui va être sonnant et trébuchant car nous allons vous parler de la gestion des royalties.

[00:00:41.340] — Vincent : Chez Deezer, nous proposons à nos utilisateurs un énorme catalogue de musique. Pas seulement bien sûr — nous diffusons également nombre de podcasts de qualité, comme Deez is la tech par exemple — mais le gros de notre catalogue est principalement de la musique quand même. Et comme vous le savez sans doute, diffuser de la musique, ce n’est pas gratuit ! Car des artistes, qu’ils soient auteurs, compositeurs, interprètes, musiciens, etc., vivent de cet art, et lorsque les utilisateurs écoutent des morceaux sur Deezer, il y a une rétribution de ces contributeurs qui est faite. Pour la première fois en 2018, les revenus du streaming ont dépassé les ventes physiques, braquant encore davantage les projecteurs sur la part des revenus des artistes provenant d’acteurs du numérique comme Deezer. En 2021, on parle d’un marché qui représente plus de 500 millions d’euros en France selon le SNEP (Syndicat National de l’Édition Phonographique), et 16,9 milliards de dollars dans le monde, soit 65 % des revenus de la musique enregistrée selon l’IFPI (International Federation of Phonographic Industry). Mais c’est tout un écosystème qui est régi par nombre de règles, qu’elles soient légales ou contractuelles.

[00:01:47.800] — Loïc : Alors, quelles sont les règles ? Comment ça marche ? Comment éviter que des petits malins ne profitent indûment du système ? Et bien sûr, quels sont les challenges techniques à relever et comment y faire face ? Voici ce dont nous allons parler dans cet épisode avec nos invités. Invité numéro 1 : Thibault Roucou, avec nous à travers les internets.

[00:02:05.400] — Thibault : Bonjour ! Oui, donc moi c’est Thibault, je suis Head of Royalties & Reporting chez Deezer. Donc, en gros, je suis en charge du calcul des royalties et de la relation avec nos ayants droit. J’ai intégré Deezer il y a neuf ans et demi maintenant. J’ai commencé comme ingénieur data, très vite travaillé sur l’outil de royalties, et en 2015, on a redéveloppé tout l’outil de royalties. Depuis un peu plus de trois ans maintenant, j’ai ce poste de responsable des royalties.

[00:02:36.990] — Loïc : Et à côté de nous, invité numéro 2 : Joris Vandermeur…?

[00:02:43.780] — Joris : Vandermeulen. C’est un nom flamand, je viens de la Flandre.

[00:02:45.770] — Loïc : Je suis désolé d’avoir écorché ton nom ! Donc bienvenue, bonjour. Peux-tu te présenter aussi ?

[00:02:52.110] — Joris : Oui, moi c’est Joris et je viens de Flandre. Je vis depuis quatre ans maintenant en France. Tout de suite, j’ai commencé à travailler pour Deezer. Je suis maintenant Senior Data Engineer dans l’équipe “Zephir” — c’est l’équipe qui fait techniquement les calculs des royalties et le reporting. Avec mon équipe, on s’assure que Deezer peut calculer combien de royalties on doit payer à tous les ayants droit. On assure aussi le reporting journalier pour des music providers et des partenaires, tout en utilisant de la Big Data.

[00:03:27.900] — Vincent : Je crois qu’on va pouvoir rentrer un peu plus dans le détail de tout ça. On va en parler pendant le temps qu’il faudra et à la fin de l’épisode, on vous demandera vos coups de cœur musicaux.

[00:03:41.780] — Loïc : Avant de commencer, petit retour sur le terme “royalties”. Aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, quand les entreprises souhaitaient exploiter les terres pour y construire des mines (charbon, terre, …, tout ce qu’on trouve dans le sol), elles devaient payer une certaine somme d’argent au roi ou à l’État pour avoir le droit de le faire. C’est ce qu’on appelait justement les “royalties”. Aujourd’hui, le terme officiel serait davantage “redevance” dans la langue de MC Solaar.

[00:04:06.990] — Vincent : Du coup, concrètement, qu’est-ce qui se cache derrière le terme “royalties” ? Je pense qu’on pourrait demander par exemple à Thibault pour commencer.

[00:04:14.470] — Thibault : Oui. Les royalties, chez Deezer, c’est tout simplement la part de revenu qu’on reverse à nos ayants droit en échange de l’exploitation de leur catalogue. Ce sont des revenus qui sont reversés aux personnes qui nous fournissent la musique sur Deezer.

[00:04:31.150] — Loïc : Est-ce que tu pourrais définir “ayant droit” ?

[00:04:36.080] — Thibault : Oui, bien sûr. Alors un ayant droit est une personne morale, quelqu’un avec qui l’on a un contrat et qui détient des droits sur des enregistrements ou des œuvres, et donc qui nous donne accès — et là, je re-boucle un peu — à son catalogue en échange de royalties. Ce sont des représentants d’auteurs-compositeurs ou d’artistes-interprètes qui détiennent les droits de la musique.

[00:05:01.190] — Vincent : Est-ce qu’on pourrait faire le parallèle avec des labels ? Est-ce que c’est la même notion ou est-ce qu’il y a des différences ?

[00:05:08.270] — Thibault : Alors un label, c’est une entreprise qui produit de la musique. Un label peut aussi être distributeur, donc distribuer de la musique, et avoir un contrat avec nous. Chez Deezer, on a différents types de distributeurs qu’on appelle des “providers”. Donc il y a des labels — ou “maisons de disques”, c’est la même chose — qui produisent de la musique et nous la distribuent. Les plus gros sont Sony, Warner et Universal. Il y a aussi des agrégateurs comme Believe ou IDOL en France, qui regroupent un certain nombre de labels et nous distribuent la musique. Et on a également des labels indépendants qui vont nous livrer de la musique, mais ensuite passer par des entités de négociation pour négocier avec les services de streaming, dont Deezer. La plus grosse entité de négociation s’appelle Merlin : elle regroupe un certain nombre de labels indépendants qui nous distribuent la musique mais on reverse les royalties à Merlin, qui est l’entité de négociation.

[00:06:09.190] — Loïc : Comment se décomposent les royalties ?

[00:06:12.010] — Thibault : Qu’est-ce que tu entends par “décomposer” ? Quels types de royalties on reverse ?

[00:06:16.930] — Loïc : Par exemple. Qu’est-ce que les royalties d’un point de vue comptable par exemple ? Qu’est-ce qu’on paye exactement ?

[00:06:25.090] — Thibault : En fait, il y a deux grandes familles de royalties. On a parlé des labels et des maisons de disques, c’est un type de royalties, c’est-à-dire les royalties qui sont associées aux droits de production. On appelle ça les droits de recording. Ce sont vraiment les droits d’enregistrement, les droits liés à l’enregistrement de la musique. Elles sont liées aux labels — ou maisons de disques — et aux artistes-interprètes. Et il y a un deuxième type de royalties qu’on paye : c’est ce qu’on appelle les droits de publishing qui, eux, vont être liés à l’œuvre en elle-même, donc à la composition, à la création de l’œuvre. Ça va concerner des auteurs-compositeurs. Donc on a ces deux parties-là : le recording d’un côté et le publishing de l’autre. Ce sont les deux types de royalties qu’on paye chez Deezer.

[00:07:16.120] — Vincent : Et du coup, en termes de proportions — je me projette un peu comme étant utilisateur de Deezer, ça représente quelle partie à peu près de l’abonnement que je paye pour accéder, moi utilisateur, au contenu de Deezer ?

[00:07:31.390] — Thibault : C’est 70% de nos revenus environ. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, il y a 70% de l’abonnement d’un utilisateur qui va dans la redistribution de royalties aux artistes, en regroupant recording et publishing, i.e. les deux types de droits dont je parlais.

[00:07:48.540] — Loïc : Comment sont-ils calculés ?

[00:07:53.790] — Thibault : On a des contrats avec ces ayants droit, et les calculs sont basés sur ces contrats. Pour simplifier, une part de nos revenus va être reversée au prorata des écoutes. C’est-à-dire que pour un provider ou un publisher donné, on va calculer sa part de marché sur un mois donné et lui reverser une part en fonction de cette part de marché. Au niveau technique, c’est calculé par notre outil interne, dont Joris parlera bien mieux que moi.

[00:08:23.700] — Joris : Oui, l’outil dont Thibault parle consiste en deux grandes parties : d’un côté, la “user interface” (interface utilisateur) dans laquelle l’équipe de Thibault peut changer des contrats, gérer les offres de Deezer — par exemple, Deezer Famille, Deezer Premium, et toutes les offres qu’on a avec des partenaires comme Orange ou TIM au Brésil — et énoncer les calculs de royalties, c’est-à-dire combien on doit payer à chaque provider. Et la deuxième grande partie de l’outil technique consiste à calculer les royalties dans la Big Data. Mais avant ça, je vais vous expliquer un peu les défis qu’on rencontre pour calculer les royalties. Mais je vais faire ça uniquement pour le recording — le publishing mériterait encore un peu plus d’explications. Donc les revenus de Deezer viennent de nos auditeurs/abonnés, qui payent pour une certaine offre (Premium, Family, etc.). En réalité, on a plus de 1000 offres environ. Et pour chaque offre, on a un revenu, et une partie de ce revenu-là — comme l’a expliqué Thibault — doit être versée aux providers. Toutes ces règles-là sont créées dans les contrats. Mais pour chaque contrat, on est aussi disponible dans plusieurs pays. Ça signifie que pour chaque provider — on en a environ 800, on a plus de 1000 offres, on est dans plusieurs pays, donc ça veut dire qu’on a des milliers et des milliers d’offres différentes en fait.

[00:09:53.570] — Loïc : Oui, la combinatoire est vraiment importante !

[00:09:56.280] — Joris : Oui, elle est assez large. Tout ça juste pour montrer que c’est assez complexe. Mais ça n’explique pas pourquoi on a besoin de Big Data. Big Data intervient parce qu’on a besoin des écoutes pour savoir combien on doit payer à chaque provider. Imaginons qu’on a un artiste sur Deezer qui n’est pas du tout écouté ; on ne va rien lui payer. Donc on a besoin des écoutes pour savoir combien on doit payer à chaque provider, et on a à peu près une centaine de millions de streams par jour sur Deezer. Cependant, côté royalties, on ne va pas calculer les revenus par jour mais par mois. Ça veut dire qu’on a 30 fois une centaine de millions de streams, soit quelques milliards de streams par mois à calculer. C’est pour ça qu’on a besoin de la solution Big Data.

[00:10:43.690] — Vincent : Oui, parce que chaque écoute sur Deezer est comptabilisée. C’est-à-dire que chaque fois que quelqu’un écoute un titre, on a une entrée et il faut à chaque fois faire le rapprochement avec le ou les artistes du morceau, et faire en plus tout ce calcul-là sur de gros volumes.

[00:11:01.440] — Joris : Oui, exactement.

[00:11:04.440] — Loïc : En fonction du pays…

[00:11:08.520] — Vincent : Du contrat… Effectivement, c’est quelque chose d’assez volumineux.

[00:11:12.710] — Joris : Oui. Par exemple aussi, si on a une offre Famille, ça veut dire qu’on doit gérer tous les membres de la famille aussi, donc ça change la manière dont on doit tout calculer en fait.

[00:11:25.080] — Vincent : D’accord.

[00:11:26.080] — Loïc : Oui, parce qu’on peut potentiellement avoir une seule offre, mais deux personnes qui écoutent à deux endroits différents ?

[00:11:30.900] — Joris : Comment ?

[00:11:31.830] — Loïc : Eh bien, imagine que dans ma famille, mon frère est à l’étranger. Du coup, moi, j’écoute en France et mon frère, lui, est en train d’écouter en Angleterre par exemple.

[00:11:42.330] — Joris : Je crois que ça dépend de là où tu as payé pour l’offre en fait.

[00:11:46.440] — Loïc : Les deux seront rattachés… ?

[00:11:48.000] — Joris : Si tu as pris ton offre Family en France. Je crois. Je laisse Thibault me corriger !

[00:11:54.730] — Thibault : Oui, c’est ça. C’est le pays de l’offre sur laquelle on a payé initialement. Donc ton compte français, que tu l’écoutes n’importe où dans le monde, sera rémunéré en France parce qu’il a été pris en France.

[00:12:06.640] — Vincent : Du coup, on l’a dit, il y a beaucoup de partenaires avec lesquels on a des contrats. Mais est-ce qu’il y a un cadre législatif ? Est-ce qu’il y a des lois qui encadrent la redistribution des royalties, que ce soit en France ou ailleurs à l’étranger ?

[00:12:17.810] — Thibault : Alors principalement, c’est régi par les contrats. Globalement, il n’y a pas de loi vraiment explicite là-dessus, mais certaines redistributions sont encadrées quand même. Aux Etats-Unis par exemple, il y a des types de droits de publishing qui sont sous ce qu’on appelle une “statutory license”. C’est-à-dire que le même taux est appliqué pour tout le monde, et donc qu’il n’y a pas de place à la négociation, il n’y a pas de place pour les discussions. Il y a un seul taux qui est appliqué pour tout le monde. Et d’ailleurs, récemment, le Copyright Royalty Board aux Etats-Unis, qui s’occupe de ses sujets, a augmenté le taux après de longues discussions. Le taux de publishing aux États-Unis a donc augmenté de 45% sur cinq ans. Ce sont effectivement des choses qui arrivent et qui, dans certains pays, sont présentes.

[00:13:04.980] — Loïc : Pendant que tu parles d’aspect légal, je me pose une question : qu’est-ce que la SACEM ?

[00:13:10.620] — Thibault : Alors la SACEM, c’est une société de gestion collective qui gère les droits publishing, qui gère les droits d’auteurs donc. Son rôle est de redistribuer à des publishers pour ensuite redistribuer à des auteurs-compositeurs qui ont créé la musique. Voilà, c’est la partie publishing des royalties. On a un contrat avec eux et il y a des équivalents de la SACEM dans le monde entier. En Belgique, ça va être la Sabam, la GEMA en Allemagne, et il y en a beaucoup d’autres.

[00:13:38.910] — Loïc : Et quelle est la particularité de la SACEM par rapport à d’autres labels ou maisons de disques ?

[00:13:46.790] — Thibault : En ce qui concerne la SACEM, ses membres sont des auteurs-compositeurs. Pour la partie labels, il va s’agir d’artistes-interprètes. Ils peuvent être la même personne d’ailleurs. C’est-à-dire que si quelqu’un écrit sa propre musique et l’interprète, il va être à la fois à la SACEM et recevoir des royalties de la part de la SACEM pour ses droits d’auteur, et de l’argent de la part de son label pour les droits d’enregistrement. Mais voilà, ce sont vraiment deux types de droits différents. Donc c’est en complément des labels en fait.

[00:14:18.080] — Loïc : D’accord.

[00:14:19.080] — Vincent : Du coup, on passe forcément par des intermédiaires. Finalement, quand Deezer paye les royalties, on ne paye pas directement les artistes, mais il y a bien une espèce d’indirection à un moment donné où il y a d’autres organismes derrière qui s’occupent de la répartition.

[00:14:32.930] — Thibault : Exactement, c’est ça. Donc ça peut être soit des institutions, des labels, … Même les très petits artistes vont passer par des distributeurs qui permettent de mettre en ligne la musique. Mais nous, on ne va pas avoir de contrat direct avec ces artistes. Ça ferait beaucoup trop de calculs pour Joris et son équipe ! On a déjà 800 providers, je pense que c’est déjà pas mal !

[00:14:53.840] — Joris : Oui, si on devait gérer tous les contrats de chaque artiste dans l’outil…

[00:14:59.480] — Vincent : Oui, j’imagine qu’il y a déjà des gens dont c’est le travail ici de gérer ces contrats-là et que ça représenterait une équipe gigantesque aussi en termes d’humains.

[00:15:07.130] — Thibault : Oui, c’est ça !

[00:15:16.750] — Loïc : Comment les contributeurs sont-ils rémunérés par le streaming aujourd’hui ? Quelle rémunération pour les ayants droit à l’heure du digital versus le physique ? Quelle est la vraie différence entre ces deux moyens de diffusion de la musique ?

[00:15:29.930] — Thibault : La vraie différence déjà, c’est qu’on n’est plus du tout dans le même concept de consommation qu’à l’ère du CD. C’est-à-dire qu’à l’ère du CD, c’était un achat, on achetait le CD. Qu’il soit écouté ou non, c’était la même chose et on était propriétaire du CD. Aujourd’hui, on est sur une rémunération à l’abonnement, ou alors à la publicité, et du coup on n’est plus propriétaire, on paye juste pour un accès au contenu. Donc ça, c’est la grosse différence déjà pour les utilisateurs. La différence aussi, c’est qu’à l’époque, le CD générait pour l’artiste une très forte somme d’argent d’un coup au moment de la sortie de l’album, qui durait quelques mois peut-être, et après il ne touchait plus rien parce que les CDs étaient globalement vendus. Aujourd’hui, avec le streaming, ça va être plus sur du long terme vu que c’est de l’abonnement et ça va être lié aux écoutes qui sont faites de ces contenus. Donc ça, c’est la vraie différence. Après, comment sont payés les artistes derrière ? Quelle est la part qui leur revient ? Ça, on ne sait pas, nous. Nous, comme je le disais, on est en contrat avec les providers, on leur donne les royalties. Ensuite, on ne sait pas comment elles sont redistribuées. Il y a sûrement des différences entre l’époque du CD et aujourd’hui le streaming, mais ça ce sont des contrats privés entre les artistes et leur label. On ne sait pas exactement ce qui se passe derrière.

[00:16:44.440] — Vincent : Ok. Et comme tu le disais, à l’heure du streaming, c’est très lié à l’écoute. On va comptabiliser des écoutes qui auront eu lieu sur le mois par exemple. Et là, je crois que je vais me tourner vers Joris. J’imagine que, derrière, il y a des petits malins qui essaient de générer de l’écoute de manière artificielle pour tout simplement, on va dire le mot hein, c’est de la fraude. Comment détecte-t-on et gère-t-on ce genre de choses ?

[00:17:08.360] — Joris : Quand on parle de petits malins, ce sont des petits artistes — peut-être des grands artistes aussi. Le problème avec ça, c’est qu’on ne sait pas qui fraude en fait. Ils ne vont pas nous le dire !

[00: 17:19.400] — Loïc : Ce serait trop facile !

[00: 17:19.400] — Vincent : Non, c’est sûr !

[00: 17:19.820] — Joris : Malheureusement ! Du coup, on va résoudre ces problèmes en utilisant de la Data Science pour trouver les artistes qui sont en train de frauder. Les artistes qui fraudent vont utiliser des utilisateurs pour streamer vraiment beaucoup leurs contenus. Et du coup, nous allons chercher ces utilisateurs qui ont un comportement anormal. Exemple très simple : j’ai un utilisateur qui écoute 10 000 fois la même chanson en une semaine et rien d’autre. C’est un peu bizarre, non ? Donc ça, c’est un comportement très simple qu’on peut trouver. Mais après, il y a beaucoup de comportements plus sophistiqués pour lesquels on fait appel au Machine Learning et au Deep Learning afin de trouver les utilisateurs qui fraudent.

[00:18:05.850] — Vincent : Oui, parce que j’imagine qu’ils sont très inventifs dans leur manière de frauder ?

[00:18:09.660] — Joris : Oui, en fait, c’est un travail qui ne s’arrête jamais. On a un premier utilisateur qui fraude. Après nous, on développe des algorithmes. Et du coup, ils trouvent de nouvelles techniques pour contrer nos algorithmes. Donc on doit de nouveau adapter nos algorithmes pour trouver d’autres moyens. C’est un travail qui se n’arrête jamais.

[00:18:26.250] — Loïc : Et sans forcément trahir les secrets, quels sont les types de comportements un peu étranges que vous avez pu détecter grâce à ces technologies-là, qui nous paraîtraient, à nous, pas forcément intuitifs ?

[00:18:39.890] — Thibault : Dans les choses vraiment étranges qu’on peut voir, le plus simple, ce sont les gens qui écoutent en boucle. Ensuite, on va avoir beaucoup d’utilisateurs qui vont avoir le même comportement : ils vont faire très peu d’écoutes finalement si on les prend individuellement, mais mis en groupe, on se rend compte qu’ils ont tous le même comportement en fait, ils viennent tous à peu près du même endroit et ils écoutent vraiment la musique de la même manière. Donc il y a plein de façons différentes, mais ça va être des utilisateurs qui vont soit passer la chanson au bout de 35 secondes tout le temps, à chaque fois, parce que les royalties sont payées à partir de 30 secondes. C’est quelque chose que les gens savent et donc ils vont, pour optimiser leurs écoutes, relancer la chanson toutes les 35 secondes pour pouvoir générer beaucoup plus d’écoutes. Donc on repère, comme ça, des comportements d’utilisateurs.

[00:19:28.100] — Joris : Il ne faut pas trop entrer dans les détails non plus. Après, il y a des utilisateurs qui vont avoir des idées !

[00:19:37.130] — Vincent : Oh, je pense qu’ils en auront de toute façon ! Je suis assez confiant sur le fait qu’ils puissent être très inventifs. Juste par curiosité — je ne sais pas si c’est un chiffre qu’on peut sortir : par rapport à la masse d’écoutes qu’on a chaque mois, en gros, les utilisateurs qui essayent de frauder — en tout cas ceux qu’on a détectés comme étant fraudeurs — représentent à peu près quelle part ?

[00:19:55.990] — Thibault : On a des algorithmes qui s’améliorent régulièrement, on fait de la détection de fraude depuis 2013 chez Deezer. Nos algorithmes n’ont cessé de s’améliorer parce qu’on voyait justement de plus en plus de cas de fraudes arriver. Là, on a sorti un nouvel algorithme en début d’année qui détecte environ 7% de fraude chez nous. C’est assez conséquent.

[00:20:18.060] — Vincent : Effectivement, ça représente quand même quelques euros de plus ou de moins, j’imagine, pour les artistes.

[00:20:26.840] — Thibault : C’est ça. Et le problème aussi de ça, c’est que la fraude, c’est de l’argent qui ne va pas aux bons artistes. Vu que c’est une part de nos revenus qu’on reverse en termes de royalties, les fraudeurs prennent l’argent d’autres artistes. Ils ne volent pas à Deezer, ils volent aux autres artistes. C’est pour ça que c’est très problématique et que c’est un sujet qu’on prend très au sérieux chez Deezer, parce que ça fait partie de nos valeurs aussi d’essayer de rémunérer correctement les artistes. Et donc la détection de fraude en fait partie. C’est pour ça qu’on a des algorithmes très sophistiqués. On est d’ailleurs considéré parmi les pionniers à ce niveau-là dans l’industrie, parce qu’on était parmi les premiers à s’attaquer à ce sujet. Depuis, nos concurrents nous ont suivis, mais au début, on était les premiers à vraiment travailler sur ce sujet sérieusement. C’est quelque chose dont on est assez fiers parce qu’on a des algorithmes très puissants et qui fonctionnent très bien.

[00:21:13.220] — Joris : Et en fait, l’impact de la fraude n’est pas que sur les royalties. Ça a aussi un impact sur notre produit. Si un artiste gonfle son nombre d’écoutes, il peut aussi apparaître dans les charts. Donc on peut voir un artiste qu’on n’a jamais entendu, qui vient du Japon et qui arrive dans le top 5 des charts en Allemagne par exemple. C’est un vrai problème. Et l’autre problème concerne la recommandation, le Flow de Deezer : si les artistes ont plus d’écoutes, ils peuvent rentrer plus facilement dans la recommandation. Donc ça détériore l’expérience de notre application.

[00:21:49.050] — Loïc : Et en parlant de Flow justement, c’était le thème de notre précédent podcast. Et à un moment donné, on a parlé aussi de fraude, mais côté labels. Est-ce que vous faites de la détection de fraude du côté des ayants droit, qui vont peut-être avoir des comportements qui vont avoir le même effet au final ?

[00:22:08.040] — Joris : Un travail qu’on a fait récemment, si on essaye de regarder quels artistes sont en train de frauder, c’est qu’on a ajouté un deuxième onglet : en fait, on regarde quel artiste et quel label sont en train de frauder en même temps. Parce que ça pourrait être que l’artiste fraude, mais seulement sur un label. Donc qui est en train de frauder alors ? L’artiste ? Le label ? On ne sait pas.

[00: 22:32.280] — Vincent : D’accord.

[00:22:33.660] — Loïc : Dans mon oreillette, on me pose une question : qu’est-ce qui se passe quand on a détecté la fraude ? Quelles sont les conséquences pour les algorithmes, pour les streams enregistrés, … ?

[00:22:42.390] — Joris : Nous, côté Deezer, on a plusieurs algorithmes qui tournent chaque jour pour détecter si des utilisateurs fraudent. Si on les détecte, on va enlever leurs fraudes cette journée-là. C’est-à-dire qu’on va enlever les écoutes qu’ils ont générées, donc ces streams-là ne vont jamais apparaître dans les royalties, et ils ne vont jamais apparaître non plus dans les charts pour cette journée-là, pour cet utilisateur-là.

[00:23:06.130] — Vincent : Et est-ce qu’à un moment, on considère qu’on peut blacklister carrément un utilisateur si c’est récurrent ?

[00:23:12.900] — Thibault : Pour un utilisateur, oui. On ne va pas forcément le bloquer parce que ça donnerait déjà une indication au fraudeur qu’on l’a détecté. Le fait de le faire plus discrètement nous permet de gagner du temps. Parce que comme on le disait, la fraude s’améliore de jour en jour et essaye de s’adapter à nos algorithmes, donc moins on leur laisse de temps pour s’adapter, mieux c’est. Après, ça peut arriver qu’on bloque des comptes si on détecte de la fraude à la carte bancaire par exemple, parce que ce sont des choses aussi qu’on peut détecter — il y a d’autres fraudes que la fraude aux streams ! Donc ça peut arriver mais ce n’est pas quelque chose qu’on fait spécialement. Quand nos algorithmes les détectent bien, on préfère leur laisser croire que ça fonctionne.

[00:23:54.810] — Loïc : J’imagine pleins de petits fraudeurs frauder pour rien !

[00:24:08.960] — Vincent : J’ai une autre question qui est plus dans la prospective. Je me souviens qu’il y a quelques mois, Deezer avait essayé de promouvoir un nouveau système de rémunération des artistes. Est-ce que vous pouvez en parler un petit peu ?

[00:24:26.560] — Thibault : Oui, avec plaisir. Donc ce nouveau système, il a le nom d’UCPS. Derrière ce nom compliqué se cache un acronyme anglais qui veut dire “User Centric Payment System”. Aujourd’hui, comme je le disais, on reverse une part de nos revenus aux ayants droit. Ce qu’on fait, c’est qu’on met tous les revenus dans un pot commun, et de l’autre côté, on va prendre toutes les écoutes des utilisateurs. À partir de là, on va calculer une part de marché par provider pour leur reverser les royalties. Ce qui veut dire qu’un utilisateur qui écoute 1000 morceaux dans le mois va redistribuer plus d’argent qu’un utilisateur qui en écoute que dix par exemple. Ça veut dire aussi que l’argent des utilisateurs ne va pas forcément aux artistes qu’ils écoutent. C’est le système qui est en place depuis le début dans les services de streaming. Mais aujourd’hui, on essaie de proposer un autre système où chaque revenu provenant des utilisateurs serait distribué aux artistes qu’ils écoutent exclusivement. On calculerait donc une part de marché au sein d’un utilisateur donné et on reverserait 70% de l’argent de son abonnement basé là-dessus. Ça voudrait dire qu’on pourrait être sûr que les artistes qu’on écoute reçoivent notre argent : si l’on écoute qu’un seul artiste, il récupérera la totalité des royalties sur le mois. C’est un projet qu’on a depuis très longtemps, on en parle depuis cinq ans maintenant. On discute beaucoup avec l’industrie, on a beaucoup poussé, on a fait beaucoup d’études : on voit que c’est très bon pour la diversité et ça développe le catalogue local aussi. Donc on a fait énormément d’études sur ces sujets mais on est lié par des contrats à nos ayants droit, et on a besoin que tous nos ayants droit soient d’accord avec ce système. Donc c’est ce qu’on essaie de faire : on essaie de convaincre tout le monde, et maintenant c’est à l’industrie de décider si elle considère que c’est un bon système de paiement. Nous, on le pense donc on pousse là-dessus, Mais Joris peut en parler mieux ; c’est aussi que technologiquement, à l’époque, on n’était pas non plus capable de le faire, et aujourd’hui on sait le faire. Donc c’est pour ça qu’on pousse pour ça.

[00:26:26.070] — Joris : Oui, tout à fait. Pourquoi on ne le fait pas depuis le début ? Parce qu’on n’était pas capable de le faire techniquement. Ce n’est que grâce à la technologie Big Data qu’on va réussir à calculer combien de fois un utilisateur a écouté quelque chose sur un mois. Parce que cette information-là est un peu difficile à trouver sans la technologie Big Data. Et donc, pour répondre à la question “est-ce qu’on peut calculer UCPS aujourd’hui ?”, oui on peut. Tout le pipeline est prêt, sauf pour la dernière partie où l’on envoie les royalties UCPS qu’on a calculées aux providers, parce que les contrats avec les providers ne sont pas encore prêts.

[00:27:04.900] — Vincent : Et d’ailleurs, je crois qu’il est encore en ligne… Il y avait un mini-site à ce propos-là sur Deezer — je crois que c’était deezer.com/ucps — où l’on avait justement la différence de répartition entre le système actuel et ce système qu’on essaye de pousser. Et de voir les différences en termes de rémunérations d’artistes… Pour la petite histoire, j’avais à l’époque regardé — je ne suis pas forcément à l’écoute des mêmes volumes que ce que peuvent écouter la majorité de nos utilisateurs — et je pense qu’il y avait quelque chose comme 98% des revenus de mon abonnement qui allaient à des artistes que je n’écoutais jamais. Je crois que c’était un truc comme ça.

[00:27:37.120] — Joris : C’est exactement ce que je trouve le plus intéressant avec UCPS. Moi je veux vraiment payer les artistes que j’écoute.

[00:27:43.470] — Loïc : Oui, ça rapproche le client de l’artiste qu’il écoute. Ça permet de créer plus de liens et de soutenir davantage les artistes que tu écoutes.

[00:27:52.770] — Joris : Exactement.

[00:27:55.080] — Loïc : A-t-on une obligation d’avoir tous nos contrats basculés sur ce mode de rémunération ? Ou est-ce qu’une masse critique pourrait peut-être suffire ? Est-ce qu’on a aujourd’hui des contrats qui fonctionnent comme ça, même s’ils sont minoritaires ?

[00:28:11.100] — Thibault : Aujourd’hui, on n’a pas encore de contrat qui fonctionne comme ça. On a des accords, c’est-à-dire que des providers ont accepté de passer à UCPS. Le problème, c’est que si tous les providers ne le font pas, on a le risque de payer plus de 100% de parts de marché, donc encore plus que les 70% que l’on reverse actuellement. Donc ça pourrait être compliqué. L’idée, c’est vraiment de se dire “il faut que tous les acteurs soient d’accord”. On peut séparer quelques parties, c’est-à-dire que l’on peut isoler par pays, donc on pourrait décider de le lancer uniquement en France par exemple. On peut le faire par offre aussi, donc on pourrait l’imaginer uniquement sur l’offre Famille ou sur l’offre Premium. Et on peut séparer le publishing du recording. Voilà, ce sont des choses que l’on explore pour essayer de le lancer d’une manière plus facile, avec une sorte de test peut-être avant de le faire. Mais notre but serait vraiment que ce soit mondial et pour toutes nos offres, parce que l’on pense que c’est plus juste de faire comme ça.

[00:29:09.540] — Vincent : Et si je suis, moi, utilisateur de Deezer, comment puis-je essayer de pousser dans le bon sens ? Est-ce qu’il y a des actions que je peux faire ?

[00:29:16.370] — Thibault : En parler autour de soi, en parler aux artistes qu’on connaît aussi, parce que les artistes pourraient aussi vouloir défendre ce mode de rémunération pour pousser leurs labels à accepter. Certains labels, certains artistes ont évoqué le fait qu’ils souhaiteraient un passage à l’UCPS. Oui, en parler, essayer de montrer que ça pourrait changer la donne pour certains utilisateurs, que ça pourrait être une vraie plus-value.

[00:29:41.710] — Joris : Un autre avantage d’UCPS, je trouve, c’est pour la fraude. Comme Thibault l’a expliqué, actuellement, on met tout l’argent que tous nos utilisateurs payent dans un grand seau et après, on le reverse en fonction des parts de marché. Mais avec UCPS, on va juste faire utilisateur par utilisateur. L’abonnement Deezer qu’un utilisateur paye va aller tout de suite à ses artistes. Et donc, si d’autres utilisateurs fraudent sur 10 000 streams, ça ne va pas avoir un impact. Ça va seulement avoir un impact sur l’abonnement Deezer que le fraudeur a utilisé.

[00:30:15.200] — Vincent : Finalement, il va payer un abonnement pour récupérer le prix de l’abonnement — et encore il y a une perte par rapport à ce que nous on va garder en tant qu’entreprise. Donc ce sera beaucoup moins intéressant pour eux.

[00:30:25.260] — Joris : Beaucoup moins intéressant.

[00:30:28.760] — Loïc : Ah, notre productrice a des questions ! Tu ne veux pas la poser toi-même ? Alors, Deezer calcule les royalties — donc les fameuses parts de marché, et rétribue les ayants droit en fonction de ces parts de marché. Est-ce que les ayants droit prennent ces calculs de parts de marché pour comptant ? Est-ce qu’ils font des vérifications ? Si oui, comment ? Quelles sont les données qu’on leur donne éventuellement pour pouvoir faire des calculs de leur côté ? Comment ça se passe au niveau de la confiance ou de l’échange avec les ayants droit ? Je pense surtout aux gros ayants droit comme Universal ou Sony.

[00:31:09.830] — Joris : Je peux peut-être dire deux choses. Premièrement, parfois, on reçoit vraiment des demandes sur les royalties qu’on va leur donner en fait : “nous, on a calculé ça et ça et ça, mais ce n’est pas ce qu’on voit sur la facture” par exemple, dans les royalties qu’on leur a envoyées. Donc Sony peut venir avec une question en disant “on a calculé quelque chose différemment, est ce que vous pouvez vérifier ?” Donc on vérifie : soit c’est chez nous qu’il y a un problème, soit c’est eux qui ont fait une petite erreur de calcul, ça se discute. Deuxièmement — et je pense que c’est beaucoup plus important, c’est qu’on a chaque année des audits des providers, par exemple d’Universal, de Sony, etc. — je ne sais pas lequel on va avoir cette année. Mais du coup, on va montrer comment on calcule tout, qui peut avoir accès au système, qui peut changer telle ou telle donnée, etc. juste pour qu’ils soient rassurés que tout ce qu’on calcule est correct.

[00:32:12.960] — Thibault : C’est ça. On a des audits et on leur envoie aussi des rapports détaillés journaliers, mensuels, avec beaucoup d’informations dedans. Des informations à l’écoute près aussi pour qu’ils puissent regarder, redistribuer ensuite à leurs artistes, mais aussi vérifier les écoutes qui ont eu lieu. Il y a quand même pas mal de transparence sur les calculs qu’on fait et comment on en est arrivé à ce résultat. Donc ils ont pas mal d’informations pour vérifier les calculs de leur côté.

[00:32:41.790] — Loïc : Vous leur fournissez aussi les rapports de détection de fraude ?

[00:32:47.190] — Thibault : Oui. On est assez transparent sur le sujet de la fraude, c’est-à-dire qu’on a fait des présentations de nos systèmes à beaucoup d’acteurs de l’industrie et on leur donne des rapports détaillés sur ce qu’on a détecté comme frauduleux. On est en contact avec eux aussi sur ces sujets-là quand on détecte quelque chose de suspicieux, pour essayer de prendre des actions et arrêter la fraude le plus tôt possible. Mais oui, ils ont des informations détaillées sur ces sujets aussi.

[00:33:14.770] — Joris : Oui, et pour la fraude, on a beaucoup de visualisations, de dashboards, d’alerting. Ça sert à deux choses. Si à un moment, un artiste réclame “pourquoi je n’ai pas tant d’écoutes ?” — probablement parce que c’est un fraudeur — on peut aller regarder dans toutes nos visualisations et nos données pour lui montrer pourquoi on a décidé qu’il a fraudé. On ne va pas leur donner l’algorithme qu’on a utilisé mais on peut donner des visualisations pour dire “ça c’est très bizarre, ce n’est pas correct”.

[00:33:48.370] — Vincent : D’accord. Donc on peut communiquer avec eux sur le fait qu’il y a un volume de fraude particulier sur un artiste donné ou sur un label. J’imagine qu’on doit avoir plein d’angles différents pour regarder les données.

[00:34:00.460] — Joris : Exactement.

[00:34:02.700] — Loïc : Vous arrive-t-il de refaire des calculs de l’année précédente, ou d’avant encore ?

[00:34:10.000] — Joris : Refaire des calculs ? Pour quelles raisons ?

[00:34:12.600] — Loïc : Je ne sais pas, c’est la question ! Par exemple, justement, quand vous disiez que les ayants droit vous posent parfois des questions, ils vous posent des questions sur quelle période de temps ? Est-ce qu’ils vont vous dire “on est en janvier, il y a un truc bizarre sur le mois de décembre et on aimerait en discuter avec vous” ? De ce que j’ai compris, ça a l’air de fonctionner comme ça. Ou est-ce que c’est “bonjour, on est en janvier 2022, j’ai trouvé un truc bizarre en janvier 2018” ?

[00:34:42.940] — Joris : Alors pour aller jusqu’en janvier 2018, non ! Côté royalties, on va plutôt recalculer janvier 2018… Non, peut-être même pas janvier 2018, mais peut-être janvier 2020, s’il y a quelque chose qui a changé dans nos contrats dans le passé.

[00:34:58.600] — Loïc : S’il y a un changement rétroactif ?

[00:35:00.070] — Joris : Rétroactif par exemple, oui. Et pour la fraude, une fois, on a dû recalculer certains mois pour enlever la fraude.

[00:35:10.400] — Vincent : Donc on peut enlever de la fraude de manière rétroactive aussi, c’est-à-dire si l’on détecte qu’il y a eu un comportement frauduleux sur quelques mois de l’année, on peut…

[00:35:17.820] — Joris : En principe, on l’enlève déjà tout de suite.

[00:35:21.810] — Vincent : D’accord. Mais si l’on découvre un nouveau pattern de fraude, est-ce qu’on peut appliquer ça a posteriori ?

[00:35:29.370] — Joris : Techniquement, oui, on peut les enlever. Ça prend un peu plus de temps mais on peut faire ça, oui. Côté business, je ne sais pas.

[00:35:39.580] — Vincent : Oui, peut-être que d’un point de vue business, ça passerait moins bien si on leur dit “finalement, vous nous devez encore tant d’argent parce qu’on vous a trop versé” !

[00:35:47.450] — Thibault : Ça arrive effectivement, que ce soit pour de la fraude ou pour des erreurs humaines. Ça nous arrive de recalculer des royalties dans le passé. De temps en temps, on relance des calculs. C’est un processus qu’on connaît et qu’on essaie d’éviter parce que ça ajoute de la complexité à ce sujet qui est déjà assez complexe ! Mais oui, ça peut nous arriver de devoir refaire certains calculs suite à des discussions, ou même des découvertes en interne — on s’est rendu compte qu’on avait donné une mauvaise donnée à un endroit et qu’il faut corriger ça. C’est quelque chose que l’on peut faire.

[00:36:20.930] — Vincent : Eh bien, écoutez, merci beaucoup. C’est un sujet qui, on l’a bien compris, est très vaste et en même temps passionnant, avec plein d’impacts techniques derrière. C’était super intéressant d’avoir vos insights à tous les deux, merci beaucoup. Je vous propose de passer à la deuxième partie de l’émission, qui est de nous parler de vos coups de cœur musicaux.

[00:36:51.560] — Loïc : Du coup, Joris, quels sont tes coups de cœur actuels ? Qu’est-ce que tu écoutes aujourd’hui ? Quelle est ta musique de chevet ?

[00:36:55.820] — Joris : Musique de quoi ?

[00:36:56.480] — Loïc : “De chevet”. Ah ! Comme le livre de chevet, le livre que tu lis avant d’aller dormir.

[00:37:02.130] — Joris : Ah ok, je ne connaissais pas cette expression !

[00:37:04.280] — Vincent : Ou quelque chose que tu as envie de partager avec les gens.

[00:37:06.830] — Joris : Ma plus récente découverte, que j’écoute déjà depuis une semaine, c’est la chanson “Atlas” from Battles.

[00:37:12.120] — Vincent : D’un artiste en particulier ?

[00:37:15.500] — Joris : Euh, Battles ?

[00: 37:16.680] — Vincent : Ah ! Battles ! D’accord.

[00:37:20.520] — Joris : Oui, la chanson “Atlas” par le groupe Battles.

[00: 37:24.520] — Loïc : You know, a serial killer?

[00:37:29.070] — Vincent : C’est ça ! Voilà, j’ai montré mon inculture, encore une fois, en termes de musique. Et Thibault ?

[00:37:37.270] — Thibault : Moi, ce n’est pas très récent, je fais assez peu de découvertes en ce moment. Du coup, c’est un album qui date de 2019 mais que je n’arrive pas à lâcher. C’est un groupe qui s’appelle Girlpool et leur album de 2019 s’appelle “What Chaos Is Imaginary”. Voilà, c’est un super album et je n’arrive pas à en sortir. Et je n’ai rien trouvé de mieux pour l’instant, depuis 2019 !

[00:37:59.830] — Vincent : Du coup, tu l’écoutes en boucle et tu es déclaré fraudeur, c’est ça ?

[00:38:03.080] — Thibault : Exactement !

[00:38:04.080] — Vincent : Eh bien, merci beaucoup. Merci beaucoup encore une fois pour tous vos insights sur le sujet et pour le partage sur la musique.

[00:38:11.840] — Thibault : Merci à vous. C’était un plaisir.

[00:38:13.670] — Joris : Oui !

[00:38:13.960] — Vincent : Je vous propose d’en rester là pour cette fois-ci. On se revoit — enfin, on se réécoute — bientôt. D’ici là, ne pétez ni les plombs, ni les crons ! Un grand merci à notre productrice, Pauline, qui nous aura assistés jusqu’au bout, même sur les questions pendant l’épisode. Et à la prochaine fois !

[00:38:29.720] — Loïc : À la prochaine fois, oui !

[00:38:30.720] — Thibault : Merci !

[00:38:31.720] — Loïc : Ciao !

[00:38:32.720] — Joris : Merci !

Références

À propos du podcast

Deez is la tech propose d’aborder des sujets relatifs aux mondes du streaming musical et de la “tech” au sens large (incluant développement, produit, design, qualité, data, recherche, etc.), et d’explorer les coulisses de certaines des fonctionnalités phares de Deezer. Le tout à l’occasion de discussions entre collègues et pairs, en toute décontraction, mêlant partage d’expériences, bonnes pratiques et réflexions sur les évolutions possibles du secteur.

Un nouvel épisode est publié chaque premier mercredi du mois sur de nombreuses plateformes d’écoute et un transcript est mis à disposition en parallèle sur notre blog deezer.io.