DILT — S02E07 — Shaker ou la création d’une nouvelle expérience collaborative — Anatomie d’une feature
Après quelques mois d’absence, notre série “anatomie d’une feature” fait son grand retour à l’occasion d’un épisode sur Shaker, une expérience de partage musical inédite et inclusive dévoilée par Deezer fin 2023.
Découvrez ainsi les coulisses de la création, du développement et du déploiement de cette nouvelle expérience en compagnie de deux de ses principaux artisans.
Bonne écoute et/ou bonne lecture !
Note: This post accompanies the release of the seventh (and last) episode of the second season of “Deez is la tech”, a podcast created by Deezer’s Product & Tech teams — in French only for now. You can still find English content on deezer.io though. Go check it out!
Résumé de l’épisode
En novembre 2023, quelques jours après l’annonce de sa nouvelle identité visuelle, Deezer a dévoilé Shaker, une expérience collaborative musicale inédite qui réunit amis, famille, collègues ou même inconnus autour de leur bande-son idéale et de statistiques musicales, quelle que soit leur plateforme de streaming. Des premières étapes d’idéation à sa sortie officielle, cette nouvelle fonctionnalité a fait l’objet de plusieurs itérations et phases de test avant de prendre sa forme actuelle.
Comment est né Shaker ? Quelle stratégie a été adoptée pour développer et déployer une telle expérience ? Quels ont été les principaux défis que les équipes produit et techniques de Deezer ont dû adresser pour aboutir à ce résultat ? Quelles sont les pistes d’amélioration future ?
Dans ce dernier épisode de la saison, Benjamin Chapus (Data Scientist — Team Manager — X) et Pierre Trochu (Head of Product — LinkedIn) nous partagent la genèse de Shaker et revisitent les aspirations produit, problématiques techniques et réflexions scientifiques qui ont modelé cette nouvelle expérience.
Épisode disponible également sur Deezer | Apple Podcasts | Spotify | Amazon Music.
Transcription
[00:00:02.050] — Vincent : Bonjour et bienvenue dans Deez is la tech, le podcast qui ne pète ni les plombs, ni les crons ! Créé et animé par les équipes Product & Tech de Deezer, ce programme aborde des sujets relatifs aux mondes de la tech et du streaming musical, et vous fait occasionnellement découvrir les coulisses de certaines des fonctionnalités phares de Deezer. Rejoignez-nous chaque mois pour une nouvelle discussion entre collègues et pairs, en toute décontraction, mêlant partages d’expériences, bonnes pratiques et réflexions sur les tendances futures. Prêts pour un nouvel épisode ? Chaussez vos écouteurs, ça commence maintenant !
[00:01:25.000] — Vincent : N’avons-nous pas tous souhaité un jour pouvoir créer, en un claquement de doigts, la playlist idéale pour une soirée d’anniversaire ou un voyage entre amis ? C’est, entre autres, pour répondre à ce besoin que l’idée d’une nouvelle fonctionnalité collaborative a commencé à émerger au sein des équipes Product & Tech de Deezer. Fin 2023, après plusieurs mois de travail, Deezer dévoilait ainsi Shaker, une expérience musicale conviviale inédite réunissant amis, famille, collègues ou même inconnus autour de leur bande-son idéale et de statistiques musicales, quelle que soit leur plateforme de streaming. Mais comment est né le concept de Shaker ? Quelle a été la stratégie de développement et de déploiement de cette nouvelle expérience ? Quels ont été les principaux défis et problématiques à adresser pour aboutir à ce résultat ? Et enfin, maintenant que l’expérience est disponible pour tous, quelles sont les évolutions prévues pour l’enrichir davantage ? Dans le cadre de notre série “anatomie d’une feature”, Pauline et moi accueillons aujourd’hui Benjamin Chapus et Pierre Trochu afin d’explorer la genèse et les dessous de Shaker, entre aspirations produit, contraintes techniques et réflexions scientifiques. Bonjour à tous les deux !
[00:01:52.310] — Pierre : Bonjour à tous, je suis Pierre Trochu, Head of Product pour les expériences du produit Deezer. Mon rôle consiste, avec toute une équipe, à enrichir la manière dont on interagit avec la musique dans le produit Deezer. Parce qu’aujourd’hui, une application de musique, ce n’est pas que du streaming. Vous avez aussi des podcasts, des places de concert à acheter ou à gagner, des statistiques sur votre usage, des jeux et surtout, différentes façons de se partager la musique et de se décrire musicalement. Et c’est de ça dont on va parler aujourd’hui avec Shaker.
[00:02:18.600] — Benjamin : Bonjour à tous, je m’appelle Benjamin. Je dirige l’équipe Recommandation chez Deezer, l’équipe en charge de tous les algorithmes de machine learning sur les principales fonctionnalités de recommandation comme le Flow, les playlists automatiques, les mix artistes, les artistes similaires et aussi, plus récemment, sur Shaker, pour créer des mix de groupes. On va voir comment ça marche.
[00:02:37.440] — Vincent : On commence par une première question assez simple : c’est quoi Shaker ?
[00:02:41.800] — Pierre : Si je devais pitcher Shaker quelque part en soirée, je dirais : partage tes sons avec tes amis, quelle que soit votre app de musique. Shaker, c’est plutôt quelque chose que l’on a pensé d’abord pour les amis, pour les groupes d’amis qui existent déjà. Il y a l’idée de se partager des chansons facilement, de créer des playlists ensemble, mais aussi de partager qui l’on est musicalement. Pour ça, on propose, dans l’expérience Shaker, trois grosses fonctionnalités. Il y a d’abord un mix. C’est une recommandation de 70 chansons que l’on peut ajuster assez facilement grâce au travail de la Reco de Deezer. Un mix, c’est une liste de chansons qui représente les goûts de chacun des membres du groupe d’amis que vous avez rejoint dans Shaker. La deuxième fonctionnalité de l’expérience est une playlist collaborative. Ça permet aux gens qui savent déjà ce qu’ils veulent de construire facilement une playlist de chansons, quelle que soit l’app de musique. Donc c’est une playlist que l’on peut consommer que l’on soit chez Spotify ou chez Deezer. Et la troisième fonctionnalité, c’est plus pour décrire musicalement qui est le groupe et qui sont les personnes qui composent le groupe. Ce sont des statistiques musicales un peu amusantes sur l’identité musicale du groupe, mais aussi des statistiques sur chaque membre du groupe d’amis.
[00:03:46.820] — Pauline : Comme c’est assez nouveau comme expérience — en tout cas, de cette ampleur-là sur Deezer — comment l’idée est venue ? Quelle est la genèse du projet ? Pourquoi vous vous êtes dit à un moment donné : “on va faire ça” ?
[00:04:00.520] — Pierre : Il y a vraiment plein de sources de data qui sont venues informer la réflexion sur Shaker. Déjà, le marché du streaming est assez fragmenté, donc tout le monde n’est pas sur Deezer — malheureusement — et tout le monde n’est pas sur Spotify — heureusement. Vous avez, sans doute, dans votre entourage, des amis qui ne sont pas sur la même app de musique que vous. Ça, c’est la donnée de départ. Par ailleurs, les Product Managers, les Product Designers et les User Researchers qui ont travaillé sur Shaker ont plusieurs façons de réfléchir. Ils regardent la data. Donc on a regardé un peu comment les gens faisaient pour se partager des liens de musique entre applications de streaming. Ce que l’on voit, c’est que c’est assez ouvert. Si vous partagez un lien Deezer à des amis, ce ne sera pas que des gens sur Deezer qui vont ouvrir ce lien. Il y a vraiment une envie de consommer la musique, même si elle est sur Deezer et pas sur Spotify. On a aussi fait pas mal d’entretiens utilisateurs avec des utilisateurs plutôt autour de la tranche d’âge 18–24 ans pour comprendre un peu quels étaient leurs “pain points”, leurs problèmes quand il s’agit de partager de la musique. Ils nous ont fait remonter trois types de problèmes. Le premier problème, c’est que, comme je viens de le mentionner, tous leurs amis ne sont pas nécessairement sur la même app de streaming. Ça rend le processus de partage un peu plus pénible. Le deuxième problème, c’est que les gens pensent qu’ils n’ont pas les mêmes goûts. Ils ont besoin d’un référent commun pour partager un peu plus que les mêmes choses, donc ils ont besoin qu’une app de streaming automatise un peu ce partage de musique pour trouver des points communs. Et le troisième problème que l’on a identifié et qui est plus spécifique à cette tranche d’âge, c’est qu’aujourd’hui, certains ont remonté qu’ils ont plutôt la flemme de faire des playlists. Ils aimeraient bien avoir quelque chose d’un peu plus automatique pour pouvoir trouver facilement quoi écouter quand vous êtes ensemble dans la voiture ou en soirée. Ce sont les trois problèmes que l’on a identifiés pour les utilisateurs quand on les a interviewés. Donc, il y a la data, il y a ces problèmes-là, et puis les Product Managers ont aussi un peu regardé ce qui se faisait sur le marché autour de cette façon de se partager la musique. Et ce qu’on observait depuis deux-trois ans, c’est qu’il y a souvent des petites apps qui se lancent pour adresser ce problème précis, qui est : “c’est un peu pénible de se partager de la musique ensemble”. On a vu plusieurs applications sur l’App Store qui se lançaient avec des concepts un peu similaires où l’on peut rejoindre un groupe pour se partager de la musique, quelle que soit son app de streaming. On observait que ces petites applications arrivaient à quelque chose mais qu’à chaque fois, l’usage redescendait, peut-être parce qu’il n’y avait pas assez de masse critique en termes de volume pour vraiment décoller. Du coup, on s’est dit : “Ça, c’est un signal encourageant pour aller plus loin, justement, sur le partage universel de la musique”.
[00:06:36.670] — Vincent : OK. Du coup, j’imagine que ça n’a pas été facile d’intégrer ça dans une application de streaming musical comme Deezer. Quelle était la stratégie au niveau du développement de la feature ? Comment l’avez-vous amenée petit à petit ou est-ce que vous l’avez fait apparaître d’un seul coup ? Comment avez-vous géré ça ?
[00:06:54.040] — Pierre : C’est une question très intéressante. On a eu une stratégie de “MVP” avec Shaker. Un “MVP” chez Deezer, c’est un concept que l’on cherche à valider parce qu’il y a une hypothèse risquée derrière. La première hypothèse risquée derrière Shaker, c’est : est-ce que les utilisateurs vont avoir envie de partager la musique avec certains de leurs amis qui ne sont pas chez Deezer ? Parce qu’en fait, tous nos utilisateurs ont un référentiel commun. Ils savent qu’ils utilisent une app de streaming, que c’est plutôt des environnements fermés — à dessein, puisque c’est comme ça que le business marche. Pour ça, c’était vraiment super intéressant, ce MVP. On s’est vraiment concentrés sur le fait de confirmer cette hypothèse. Oui, les utilisateurs sont prêts à partager de la musique ou à créer un espace commun de partage de musique avec des utilisateurs qui ne sont pas chez Deezer. On a eu une stratégie de “soft launch”, donc on a choisi trois pays sur lesquels on pouvait lancer sans trop de volume et sans trop de communication et on a sorti MVP pendant l’été 2023. Ce que l’on a vu, c’est qu’il fallait aller encore plus loin sur cette hypothèse parce que beaucoup d’utilisateurs, lorsqu’ils ont découvert la fonctionnalité dans ces pays du soft launch, sont tellement loin en termes de référentiel par rapport à la proposition de valeur de Shaker — qui est “partage tes sons, quelle que soit ton app de musique” — et n’ont pas compris qu’ils pouvaient partager de la musique avec leurs amis chez Spotify, chez YouTube Music, chez Apple Music, etc. C’est amusant, il y a même des utilisateurs qui, alors que la fonctionnalité est construite pour ça, ont partagé des liens d’invitation à Shaker dans leur groupe WhatsApp avec leurs amis en disant : “Je vous partage ça mais c’est que pour les gens qui sont chez Deezer”. Or, il était marqué explicitement que la fonctionnalité est construite pour adresser ce problème. C’était vraiment super intéressant de faire cette phase de soft launch puisque l’on a vu qu’il fallait aller plus loin sur le MVP avant d’internationaliser la fonctionnalité. On n’était pas encore assez clair sur ce côté universel, tellement ça repousse une compréhension que l’on a tous du fonctionnement d’une app de streaming, qui est : c’est un périmètre, un écosystème fermé qui ne permet pas de partager. La stratégie a vraiment été de confirmer cette hypothèse risquée, et pour le MVP, on s’est plutôt concentré sur l’entrée de l’expérience. On n’a pas construit tout ce que je viens de décrire en début d’émission, à savoir les stats dans les détails, etc., on s’est plutôt concentré sur cette idée : oui, confirmons que des utilisateurs sont prêts à se rejoindre ensemble dans un espace commun, quelle que soit leur app de musique. Ça veut dire que l’on a fait un MVP qui a pris un peu plus de temps que prévu. Par exemple, on a choisi de toujours garder dans l’équation l’idée qu’il faut qu’il y ait des utilisateurs de Spotify, de YouTube Music, d’Apple Music qui puissent rejoindre cette fonctionnalité, alors qu’on aurait très bien pu faire une fonctionnalité où l’on permet juste à des Deezer users de se partager des statistiques musicales, etc. On s’est vraiment concentrés sur cette hypothèse risquée-là, et je pense que c’était une bonne idée parce que l’on a justement vu avec la première version — donc le MVP que l’on a sorti dans dans ces trois pays en soft launch — que ce n’était pas si évident pour les utilisateurs de comprendre le cœur de cette proposition de valeur. Entre le MVP et la sortie officielle en grande pompe en novembre, il s’est découlé quatre mois. On a mis vraiment le paquet sur cet axe-là en s’éloignant un peu d’un langage textuel et en passant beaucoup plus par un langage visuel pour mieux exprimer cette idée d’inclusivité et d’universalité, qui est le point différenciant de cette fonctionnalité. C’était satisfaisant parce que l’on a vu une vraie différence en termes de pourcentage d’utilisateurs qui ne sont pas chez Deezer entre le MVP, où ce pourcentage était proche de zéro, et le lancement de la fonctionnalité, où il y avait un pourcentage autour de 30% des utilisateurs qui n’étaient pas chez Deezer — donc chez Spotify, chez YouTube Music, chez Apple Music, etc.
[00:10:49.880] — Pauline
Tu dis que c’est passé par une manière visuelle d’expliquer, de faire mieux comprendre toute la fonctionnalité, mais concrètement, vous avez fait quoi ? Vous avez changé les designs ? Vous avez mis des smileys qui sourient et qui disent “viens chez nous, on est ouvert” ou …?
[00:11:10.530] — Pierre : Avant, on communiquait uniquement dans le texte. Et là, on a revu le parcours d’onboarding pour élaguer un peu la charge cognitive qui peut reposer sur l’utilisateur pour comprendre ce que c’est, en découpant un peu plus les étapes de façon à ce que les users entrent dans un tunnel qui leur donne envie, au moins, de finir tout le process, et en utilisant des couleurs, des formes qui évoquent beaucoup plus l’idée d’universalité. On a pu utiliser le vert et le rouge, qui correspondent aux couleurs de deux de nos concurrents, — les deux concurrents les plus féroces, YouTube et Spotify — pour mieux évoquer cette idée d’universalité et de partage, quelle que soit l’app de musique. Donc passer par un langage beaucoup plus visuel et beaucoup moins textuel. Des fois, les choses simples sont les meilleures et ça a suffit pour faire exploser le pourcentage de non-Deezer users dans la fonctionnalité.
[00:12:00.420] — Pauline : Et justement, c’est un peu étonnant d’ouvrir une partie de son produit, de ses fonctionnalités à des gens qui ne sont pas abonnés, qui n’utilisent pas notre service. Ce n’est pas quelque chose qui vous a inquiété en se disant que les gens qui sont abonnés vont peut-être, du coup, partir ailleurs et se dire : “je n’ai pas de raison de rester si je peux faire des choses, même en n’étant pas abonné…” ?
[00:12:23.300] — Pierre : Non, il y a vraiment plein de côtés positifs à l’idée derrière Shaker. Déjà, pour nos utilisateurs, ça améliore leur expérience dans le produit. Pour eux, c’est plus facile de partager avec leurs amis, quelle que soit l’app de musique qui est utilisée par leurs amis. Ça, c’était vraiment un “no-brainer” pour nous, ça fait sens de faire ça. Ensuite, on voit petit à petit que cette barrière entre apps de streaming fait de moins en moins sens. Il est probable, déjà, que cette barrière explose complètement avec l’émergence des capacités de l’IA dans les téléphones. Par exemple, le nouveau Siri semble être beaucoup plus à même de faire des actions pour l’utilisateur, quel que soit le contexte. Donc il est probable que ce nouveau Siri, qui sort en Q4 2024, permette à un utilisateur d’iPhone de regarder sa conversation WhatsApp, de lui dire “ouvre-moi ce lien Spotify dans l’app Deezer” et que la chanson soit ouverte dans Deezer. Il est très probable que cette barrière ne fasse plus sens et que ça devienne un standard du marché. Et puis surtout, ce n’est pas ça qui fait la valeur d’une application de streaming, le fait de pas pouvoir partager ses chansons. Il y a d’autres critères qui créent la rétention. Et par rapport au non-Deezer users, pour nous, c’est une bonne façon aussi d’exposer Deezer, de faire re-goûter le produit. Et justement, cette fonctionnalité a été lancée à un moment où l’on a “rebrandé” la marque Deezer. On a repositionné le produit Deezer autour de deux valeurs émotionnelles assez claires : la connexion et l’expression. Et cette fonctionnalité était parfaite pour ce nouveau positionnement de marque puisqu’elle permet de se connecter avec d’autres utilisateurs et de s’exprimer, en fait. Avec tout le travail, justement, que font Benjamin et son équipe, on arrive à décrire de façon humaine des statistiques mathématiques sur les utilisateurs. On leur permet de s’exprimer, d’être plus à l’aise avec leurs goûts. Donc ça faisait vraiment sens pour Deezer, à ce moment-là, et par rapport aux évolutions du marché, d’être le premier à aller plus loin sur l’aspect partage universel. Surtout que, comme je vous le disais, il y a déjà des petites applications qui se montent autour de ce “pain point” ou problème utilisateur. Donc autant que l’un des gros acteurs du marché prenne le problème à bras le corps et aille plus loin sur cet aspect.
[00:14:50.080] — Vincent : Je propose maintenant d’ouvrir un petit peu le capot et de regarder un peu comment ça a été fait et comment on est arrivé à cette solution, puisque j’imagine que le fait d’essayer de faire matcher des gens qui viennent d’applications différentes n’a pas dû être simple. Comment a-t-on fait, par exemple, ne serait-ce que pour faire matcher les catalogues qui viennent de différents endroits ? Comment peut-on savoir qu’un utilisateur qui est chez Spotify écoute de la musique qui correspond à telle ou telle track dans le catalogue de Deezer ? Comment a-t-on réussi à faire ça ?
[00:15:23.320] — Benjamin : Il me semble que pour le matching du catalogue, on passe par un partenaire, TuneMyMusic, qui va faire la jonction entre les deux plateformes. Ils ont tout un tas d’API qui sont déjà existantes, qui permettent de connecter aux comptes Spotify, Apple Music ou Deezer. Il me semble qu’ils maintiennent eux-mêmes une correspondance dans le catalogue entre les ID Spotify et les ID Deezer, ce qui évite de devoir le faire nous-mêmes. C’est une tâche assez compliquée de matcher, juste avec un titre d’artiste, de chanson, de trouver dans Deezer quelle est la vraie chanson que l’on veut écouter, tout simplement parce qu’il peut y avoir des doublons, il peut y avoir des live… Il ne suffit pas de faire juste une recherche, il faut s’assurer qu’avec cette chanson-là, on a le bon artiste, le bon album et tout ça. C’est assez pénible à faire et en passant par un partenaire qui s’occupe de faire ça, c’est beaucoup plus simple. Et ça permet aussi d’accélérer cet onboarding : quand une personne va connecter son compte Spotify, on va directement avoir la relation avec les chansons chez Deezer, dans le catalogue, et ne pas avoir à passer sur chaque chanson pour trouver l’équivalent. Il me semble que ça marche comme ça, en tout cas. Pierre peut confirmer peut-être ?
[00:16:34.100] — Pierre : Tout à fait, oui. On passe par un partenaire qui s’appelle TuneMyMusic, avec qui l’on travaille depuis des années, qui permet à n’importe qui d’importer, lorsqu’il rejoint Deezer, sa librairie existante chez Spotify, chez YouTube, chez Apple Music. Donc si vous êtes chez Spotify depuis 10 ans, vous pouvez quand même très facilement, dès le premier jour chez Deezer, importer l’intégralité de votre catalogue musical construit chez Spotify.
[00:16:57.640] — Benjamin : Je trouve ça assez malin parce qu’il y a un objectif un peu caché, qui est de montrer : “regardez, ce n’est pas si compliqué, finalement, de passer d’une plateforme à l’autre”. Alors, c’est à double tranchant : on peut le faire dans un sens, on peut le faire dans l’autre. Mais je pense que beaucoup de personnes se sentent attachées à leur distributeur de musique actuel parce qu’elles y ont toutes leurs playlists. Elles peuvent aussi être attachées à l’algo, à certaines fonctionnalités, mais globalement, il y a surtout ce travail de collection qui est vraiment très important pour les utilisateurs et utilisatrices.
[00:17:24.480] — Vincent : C’est un peu la notion que l’on essaie d’avoir en ce qui concerne la portabilité des numéros de téléphone chez les opérateurs mobiles, finalement.
[00:17:31.200] — Benjamin : Voilà, exactement. Si, quand on changeait d’opérateur, il fallait re-rentrer tout son répertoire, les gens bougeraient beaucoup moins, je pense. Heureusement, les téléphones enregistrent tout ça. Donc oui, ça permet de montrer que l’on peut passer de l’un à l’autre, qu’elles sont assez perméables, ces frontières entre les plateformes. Je trouve ça assez malin d’avoir permis à des personnes de Spotify de rentrer dans le monde Deezer et de leur montrer : “regardez, vous allez retrouver toutes vos top chansons, vos playlists, vos écoutes du moment”. Et c’est ça qui va servir à calculer le profil de ce nouvel utilisateur lorsqu’on va vouloir créer ce mix de groupe pour Shaker.
[00:18:07.630] — Pauline : Justement, comment faites-vous pour créer ce mix avec toutes les données de tous les utilisateurs d’un groupe Shaker ?
[00:18:15.780] — Benjamin : C’est assez complexe. Finalement, pour Shaker, il y a différentes fonctionnalités que l’on a essayé d’implémenter dans mon équipe, à la Recommandation. Le premier truc, c’était d’abord de calculer un score d’affinité pour dire à quel point deux personnes sont compatibles, musicalement parlant, ou à quel point elles se correspondent dans leurs écoutes. Et en fait, c’est beaucoup plus compliqué que ce qu’on imagine. Déjà, l’affinité et la compatibilité, ce n’est pas tout à fait pareil. On peut dire : “OK, on écoute exactement les mêmes choses, Pierre et moi, mais je peux peut-être trouver une troisième personne avec qui l’on écoute des choses différentes, mais avec qui l’on se retrouve, quand même, sur quelque chose de similaire”. C’est-à-dire que peut-être qu’il y a des genres que j’écoute, moi, qu’une autre personne n’écoute pas, mais on a un genre en commun. Est-ce que ça veut dire que l’on a des bonnes affinités ? Est-ce que ça veut dire que l’on est compatibles ? Ça, c’était déjà un problème sur lequel on a pas mal planché. Quand on veut calculer un score comme ça, la première chose qui vient à l’esprit, c’est de regarder les artistes ou les chansons, les albums que l’on a en commun. C’est l’approche la plus directe et la plus simple. Ça peut marcher dans pas mal de cas, mais pas dans tous. On a très rapidement vu les limites. Il y a des artistes qui sont très répandus, très écoutés — tout le monde écoute ou a au moins écouté un petit peu ou en partie, je ne sais pas, Beyoncé, une chanson de Jul ou Coldplay — et si l’on vous dit “vous avez ces quatre artistes en commun”, vous n’allez quand même pas avoir l’impression que vous êtes compatibles ou avoir une grosse affinité musicale particulière. Donc finalement, on s’est dit : “tiens, peut-être qu’il faudrait que l’on mette un peu plus l’accent sur les groupes qui sont moins connus, qui sont un peu plus dans la fin de la traîne de ce que l’on écoute”. Si l’on se retrouve avec un artiste vraiment pas connu, on se dit : “ah oui, effectivement, on a les mêmes goûts”. Ou alors : “tu connais ça, toi aussi ? C’est super”. Et là, on a l’impression d’être un peu plus proches. Donc on a essayé de pondérer un petit peu plus les artistes moins connus, les albums un peu moins populaires. La deuxième chose, c’est que peut-être que deux personnes écoutent du métal, par exemple, mais n’écoutent pas les mêmes artistes. Je n’ai pas d’exemple en tête mais on peut avoir un set d’artistes complètement disjoints et pourtant écouter le même genre musical. À ce moment-là, on n’a pas envie de dire que la compatibilité musicale est nulle, vu que l’on écoute quand même le même genre d’artistes. Donc, il a fallu que l’on utilise des données un peu plus précises comme le genre musical, par exemple. En fait, on va utiliser des data… On parle d’”embeddings” à la Recommandation. C’est une représentation mathématique un peu plus dense qui encode dans un grand vecteur les affinités musicales, l’identité, le “fingerprint” musical de la personne. Et l’avantage de cette représentation, c’est que l’on peut comparer ces deux empreintes et calculer une distance entre ces deux utilisateurs, entre ces deux profils d’écoute. Ça va nous donner un score que l’on peut normaliser entre 0 et 1, par exemple. On va pouvoir dire : “on est compatible à 25%, même si l’on n’écoute pas du tout les mêmes choses, mais parce que l’on est globalement dans la même région du catalogue qui est écoutée”. Donc le score est calculé comme ça. Des fois, on a une belle théorie mathématique derrière, on est tout content et on va voir Pierre, et il nous dit : “non mais regardez, ces deux profils, pourtant, c’est moi et c’est moi aussi, le deuxième profil chez Spotify, et je n’ai pas du tout le bon score. Qu’est-ce qui se passe ?” Évidemment, on retravaille un petit peu ces scores-là, on étalonne afin que ça ressemble le plus possible à ce que l’on s’est imaginé. Mais il y a toujours une grosse distorsion entre ce que l’on pense écouter, ce que l’on écoute vraiment et la proximité musicale que l’on a avec quelqu’un. Le sujet n’est pas simple mais on a, je pense, à peu près trouvé quelque chose qui avait du sens pour les utilisateurs et pour nous.
[00:21:47.590] — Pierre : Pour rebondir sur ce que dit Benjamin, c’est ça que j’ai trouvé très amusant sur cette expérience, c’est cette idée qu’ont les utilisateurs d’eux-mêmes. C’est intéressant de la représenter mathématiquement et de leur permettre d’aller un peu au-delà. Je vous parlais en début d’émission de ce présupposé des utilisateurs qui pensent que leurs amis n’écoutent pas la même chose qu’eux ou qu’ils ne sont pas compatibles. On a pu observer que les utilisateurs sont surpris par l’expérience, des fois, et sont contents de se découvrir des points communs qu’ils n’imaginaient pas dans leurs catalogues musicaux. C’est vraiment super intéressant et c’est là où je trouve que le produit crée une vraie valeur. Ça permet d’aller un peu au-delà de ses présupposés. Dans une app de musique, si l’on ne fait que du streaming, on a tendance, parfois, à s’enfermer dans une boucle où la sérendipité, le côté découverte, n’est pas suffisant. Or, nous, en tant qu’app de musique, de produit musical, là où l’on crée le plus de valeur, c’est lorsque l’on permet à des utilisateurs de découvrir autre chose que leur univers quotidien. Donc c’est vraiment génial de le faire avec cet angle un peu plus émotionnel, des représentations de leurs amis, etc., de les aider à sortir un peu de leur zone de confort musicale avec, en plus, des statistiques qui sont amusantes à consommer la première fois — c’est toujours amusant de voir à quel point vous êtes compatibles avec votre compagne, vos parents, votre fils, votre fille, etc.
[00:23:10.870] — Vincent : Du coup, vous avez, j’imagine, dû itérer pas mal sur l’algorithmique. Il vous a fallu, en gros, à peu près combien d’itérations ? Est-ce que vous êtes encore en train de travailler sur ces scores de compatibilité et sur ces mix de groupes ?
[00:23:26.210] — Benjamin : Oui, c’est quelque chose que l’on continue de faire évoluer puisque récemment, il y a eu l’introduction de stories dans un mix Shaker, dans un groupe Shaker. On a différentes slides qui apparaissent et qui vont mettre en avant certaines caractéristiques du Shaker, comme les artistes que l’on a en commun ou les chansons que l’on a en commun. Et le fait d’avoir exposé ça vient un petit peu challenger le score que l’on a calculé puisque parfois, on se dit “on a 70% de compatibilité et on n’a que deux artistes en commun”, et on se dit : “ah, je suis un peu déçu, je pensais que l’on aurait beaucoup plus de terrain commun entre deux personnes”. C’est un peu les exemples que je donnais tout à l’heure. Ça va au-delà du simple overlap de librairie, il s’agit aussi de comprendre comment marchent les goûts. Donc on essaie de faire correspondre les data que l’on expose, qui n’étaient pas forcément exposées au début, avec ce score-là pour qu’il colle au mieux avec ce que l’on s’imagine par rapport à sa compatibilité. Et là, on n’a parlé que du score, alors que je dirais que l’ADN de Shaker, c’est de créer un mix, une playlist. Là, le challenge est encore plus important, je dirais. En fait, on a construit ça sur les bases que l’on avait déjà développées pour le Family mix. On avait — et on a toujours — une offre Famille chez Deezer et on a la possibilité d’avoir une playlist qui s’adapte automatiquement à tous les comptes du compte Famille. C’était exactement le même problème de départ. On a une, deux, trois, quatre, cinq, six personnes avec leurs habitudes musicales. Comment on crée le mix parfait, celui que l’on pourrait écouter si on était tous dans une voiture ou dans la même soirée et qui conviendrait au plus de monde possible ? C’est un problème d’un point de vue technique et algorithmique. C’est un problème d’optimisation multitenant. Il faut essayer de trouver ce qui va augmenter la satisfaction de tout le monde, avec le risque de ne pas tomber dans un ventre mou qui plaît un petit peu à tout le monde. Il faut arriver à doser entre “on met des choses qui sont assez propres à un profil, mais qui ne sont quand même pas trop éloignées, qui ne vont braquer le reste” plutôt que de chercher vraiment quelque chose qui va être au milieu et qui convient moyennement à tout le monde. Pour faire ça et pour expliquer simplement, on peut imaginer les goûts des utilisateurs comme une carte en deux dimensions avec des zones activées. “Moi, j’écoute ça, j’écoute ça”… Après, on peut essayer de superposer ces N cartes les unes au-dessus des autres et voir les endroits où l’on a des superpositions, tout simplement, ou voir si l’on a des points qui sont pas trop éloignés des endroits activés par les membres du groupe. Ce qui est pas mal quand on a fait ça, la bonne surprise, c’est que parfois, on peut avoir une personne qui écoute, disons, du rap et trois autres personnes qui n’en écoutent jamais, et on va quand même arriver à recommander du rap. Ce sera peut-être du rap qui va être perçu comme plus accessible pour les personnes qui n’en écoutent pas, et ça permet d’isoler, des fois, des morceaux, des groupes de musique, qui sont une bonne introduction dans ce genre musical, si on ne l’écoute pas. Je prenais l’exemple du métal tout à l’heure : peut-être que l’on va recommander des chansons de Metallica, qui est un groupe de métal assez mainstream, là où la personne qui a amené le métal écoutera des groupes beaucoup plus confidentiels. Mais ça permet quand même d’avoir quelque chose d’un peu plus populaire et écoutable par tout le monde et ça permet de faire découvrir son profil et son type de musique aux autres personnes. Ça, ça ne marchait pas trop mal dans le mix Famille, donc c’est quelque chose que l’on a généralisé ensuite pour Shaker. La grosse différence entre ces deux algos, c’est que pour le mix Famille, c’est quelque chose que l’on calculait de manière offline, que l’on actualisait chaque semaine ou chaque jour, alors que pour Shaker, il fallait que ce soit instantané et que ça réponde en quelques secondes. Et ça, c’était un gros challenge à relever, un gros défi technique.
[00:27:09.480] — Vincent : Du coup, ce genre de mix n’est pas juste une liste de tracks qui ont été écoutées un peu par tout le monde, mais ça peut finalement amener à des découvertes, même pour tous les membres du groupe.
[00:27:22.800] — Benjamin : Dans la première version, le but était d’aller uniquement piocher dans des choses qui sont connues et écoutées par chaque membre du groupe. Donc on n’introduit pas de nouvelles chansons extérieures inconnues de toutes les personnes. C’est plutôt aller sélectionner un sous-ensemble de chansons chez chaque personne pour créer une playlist cohérente. Moi, je m’en suis servi récemment. J’étais parti avec des amis en week-end, on avait loué une baraque. On a chacun nos écoutes un peu propres et on ne savait plus quoi écouter à un moment. On avait fait un Shaker à un moment, qu’on a un petit peu réactivé, et on était agréablement surpris par le fait que chaque chanson nous plaisait. Chacun pouvait parler de la chanson, savait d’où elle venait, et on essayait même de deviner : “Ça, c’est toi ? Non, ça, c’est moi ?” D’où ça venait ? C’est assez ludique, assez rigolo. Rapidement, on s’est rendu compte que peut-être que l’on a rapidement fait le tour de la librairie de chacun des utilisateurs et que l’on a envie de se dire : “ce Shaker, j’ai envie qu’il vive, qu’il s’auto-alimente et que l’on vienne me rajouter, périodiquement, des nouvelles chansons qui auront cette même contrainte, qui doivent plaire à tout le monde ou au plus grand monde, en tout cas”.
[00:28:41.510] — Pauline : On a un peu parlé des challenges et des difficultés côté Reco. Est-ce qu’il y a eu aussi, côté Produit, des défis particuliers ? Peut-être, justement, que l’on a une app — je pense à ça mais ça peut être autre chose — qui est déjà assez complète, assez grande, comment on intègre Shaker dans une app qui a déjà cinq onglets, qui a déjà une myriade de fonctionnalités ? Est-ce que ça a été un sujet pour vous ? Est-ce qu’il y a eu d’autres choses sur lesquelles vous vous êtes posés des questions, des choses que vous avez abandonnées parce que vous n’arriviez pas à les faire fitter quelque part ? Ou alors, vous avez eu des retours, ça n’a pas marché ?
[00:29:23.650] — Pierre : Moi, ce que je retiens vraiment, c’est ce dont j’ai un peu parlé tout à l’heure, c’est le challenge autour de l’onboarding, donc la façon dont on peut embarquer des utilisateurs qui ne sont pas chez Deezer. Déjà, il y a un challenge de base, c’est que l’on a constaté quand on faisait des tests produit avec les prototypes que ça prend du temps d’importer sa librairie de musique. Il y a une loi d’UX qui dit que, généralement, pour une interaction avec une interface, le temps de réponse doit être autour de 0,4 seconde. Sans ça, l’utilisateur s’impatiente. Or là, imaginons que vous vous connectez avec votre compte Spotify. Si vous avez dix ans d’historique dans Spotify, ça peut mettre deux minutes avant de réussir à atteindre le “Aha moment”, à savoir la valeur de Shaker. Il a fallu travailler un peu dessus, retravailler l’onboarding. J’avais parlé un peu de façon visuelle pour bien expliquer, mais aussi pour donner l’énergie à l’utilisateur d’attendre, d’être patient par rapport à ce qu’on lui a promis, à savoir sa compatibilité musicale avec ses amis. Il n’a pas envie d’attendre trop longtemps pour la connaître. Et pour écouter le mix, il n’a pas non plus envie d’attendre trop longtemps. Ça, c’est vraiment un challenge qui m’a marqué. À la fois, il faut vraiment simplifier la proposition de valeur pour qu’elle soit claire et facile à comprendre, et d’un point de vue purement IT, il faut que ce soit assez rapide parce qu’aujourd’hui, nos utilisateurs sont habitués à des interfaces très rapides et ils ne prendront pas le temps d’attendre. C’était assez intéressant de détailler tout ce qui se passe dans l’entonnoir lors de cet onboarding et de travailler petit à petit sur chacun des compromis que l’on avait faits en V0 pour permettre aux utilisateurs d’aller le plus vite possible. Typiquement, au début, ce n’était pas possible de rejoindre un Shaker en utilisant le single sign-on, donc la possibilité de se connecter juste avec son Gmail ou avec son Facebook. C’est l’une des premières fonctionnalités que l’on a ajoutées — parce qu’avant, il fallait demander aux utilisateurs de mettre leur email, etc. Voilà, c’est vraiment le challenge que j’ai identifié autour des non-Deezer users, donc travailler sur toute cette partie onboarding pour leur permettre de facilement débloquer et consommer la valeur de Shaker. Ensuite, effectivement, comment est-ce que l’on intègre Shaker dans une app de musique ? C’est un travail au long cours, on n’a pas fini, mais il faut proposer Shaker au bon moment, dans les bons contextes pour nos utilisateurs. Ce n’est pas quelque chose que vous avez envie de faire tout le temps, toujours, avec tous vos amis. Il y a un travail à faire en collaboration avec les Product Marketing Managers pour proposer l’expérience au bon moment. Typiquement, récemment, on s’est dit : “il y a les longs week-ends qui arrivent en France”. Du coup, on a fait une campagne deux-trois jours avant le long week-end de quatre jours, où l’on sait que les utilisateurs vont souvent retrouver leurs amis, souvent prendre la route. On a fait un push bien contextualisé et ça, c’est la bonne trigger pour proposer la valeur et donner la bonne étincelle à l’utilisateur pour avoir envie d’essayer cette fonctionnalité et la consommer. C’est ce travail-là sur lequel on a à peine commencé, sur lequel on est en train de travailler : proposer Shaker au bon endroit et au bon moment. Typiquement, on est en train de retravailler un peu la façon dont c’est proposé dans l’interface en le mettant plus sur le chemin de la création de playlist, puisque l’un des cas d’usage de Shaker est de créer une playlist avec ses amis pour se mettre d’accord sur quoi écouter. On l’a rajouté dans la tab (=l’onglet) “Favoris”. On l’a mis pas loin du chemin que les utilisateurs empruntent généralement pour créer une playlist pour qu’ils soient conscients de cette fonctionnalité. Ce qui est intéressant quand on travaille sur les expériences chez Deezer, c’est que l’on commence par l’awareness, donc le fait que les utilisateurs sachent que cette fonctionnalité existe. Il est à zéro, donc il y a zéro utilisateur qui connaît cette fonctionnalité, et ça prend grosso modo un an pour arriver à un pourcentage qui permet de débloquer vraiment tous les effets positifs de la fonctionnalité.
[00:33:23.860] — Benjamin : Oui, parce que quelque part, ça pourrait remplacer la playlist collaborative, finalement. C’est une playlist collaborative sous stéroïdes qui pourrait s’updater toute seule et qui dit à quel point la chanson est pertinente pour la playlist.
[00:33:35.110] — Pierre : Oui, c’est très proche, effectivement. Après, on a une vision autour du Social qui consiste à créer une “open destination”, une destination ouverte qui permet aux utilisateurs de se rencontrer et de profiter de l’expérience amusante et pertinente autour de la musique. À terme, Shaker, je pense que ça fait sens de l’imaginer mélangé avec d’autres fonctionnalités qui sont pertinentes pour les contextes sociaux. Chez Deezer, on travaille aussi sur d’autres fonctionnalités qui sont proches de ce contexte “je suis avec des amis”. Typiquement, les blind tests, c’est une fonctionnalité qui est très proche de Shaker. Aller voir un concert, on le fait souvent avec ses amis, c’est aussi une fonctionnalité qui est très proche, etc. Ça fait partie des prochaines évolutions : commencer par un usage particulier — l’usage le plus récurrent étant la playlist — et en profiter pour amener les utilisateurs à découvrir ensuite d’autres fonctionnalités qui font sens parce qu’ils ont fait l’effort, une fois, de se connecter avec leurs amis et ce serait bien de ne pas leur demander de faire 36 fois cet effort de se connecter. C’est notamment l’un des axes sur lesquels on travaille avec Benjamin maintenant, d’utiliser un peu tous ces signaux sociaux que les utilisateurs laissent dans l’application pour faire émerger ces connexions au bon endroit, au bon moment, créer un peu un “social graph” qui permet de relier les utilisateurs entre eux. Ils commencent dans Shaker et après, ça fait sens que la prochaine fois qu’ils veulent se partager une chanson, on leur propose des utilisateurs de leur Shaker, etc.
[00:34:59.830] — Vincent : Si je reviens un peu sur ce que tu disais, il y a eu une recherche aussi de l’efficience, à la fois de la performance par les parcours, par l’optimisation de l’UX, de l’expérience utilisateur. Est-ce qu’il y a eu aussi cette même recherche côté back-end, au sens large, d’essayer d’avoir des choses qui soient très réactives ? Est-ce qu’il y a eu des gros enjeux à ce niveau-là également ?
[00:35:29.330] — Benjamin : Oui, j’en parlais un petit peu tout à l’heure, comme il a fallu que l’on passe à un service vraiment online qui réponde… Alors, on avait un peu plus que 400 millisecondes, heureusement, pour pouvoir créer la playlist grâce à des petits hacks d’UX, mais on a dû quasiment réécrire l’algorithme en entier. Il y a eu pas mal d’optimisations dans l’équipe Software Engineer aussi pour pré-charger en mémoire des représentations d’utilisateurs. On s’est basé sur des services qui avaient déjà été créés pour des algos qui doivent répondre vite, comme le Flow ou certains mix dans Deezer. Là en fait, c’est un petit peu comme si l’on cherchait à créer un Flow, mais pour plusieurs personnes en même temps. Donc le but, c’était qu’on passe à l’échelle et que les temps ne soient pas multipliés par le nombre de personnes dans le Shaker. Quelque part, ce que l’on a fait aujourd’hui pourrait supporter beaucoup plus qu’une poignée d’utilisateurs. C’est assez chouette. Mais il y a eu beaucoup d’optimisations, beaucoup de tests, des tests de charges pour s’assurer que tout aille bien. On a d’ailleurs créé une stack séparée pour Shaker afin, déjà, de tester des nouvelles technos qui nous semblaient intéressantes pour cette fonctionnalité-là, et puis pour être sûr aussi de ne pas parasiter la stack existante de la prod actuelle, parce que l’on avait peur que si ça, ça tombait, que ça fasse tomber le reste. Donc on l’a un petit peu mis à part pour s’assurer que tout soit OK. Il y a eu pas mal de défis techniques, quand même, autour de cette fonctionnalité-là. Ça, c’est pour les défis de charges, de calculs. On a aussi eu des défis au niveau de la cohérence de la playlist, parce qu’une fois que l’on a trouvé les chansons à mettre dans la playlist, dans le Shaker, on s’est rendu compte qu’il pouvait y avoir des problèmes de “fairness” en anglais, c’est-à-dire des problèmes d’équitabilité entre les personnes. Il y a des personnes qui vont avoir des gros profils avec 2 000 chansons par exemple, et des personnes qui auront simplement 10, 15, 20, 30 chansons. Et on ne voulait pas que ces ratios soient conservés dans la participation à la playlist. Donc il fallait faire attention à ce que tout le monde soit représenté, tout le monde soit là. Ce sont des choix arbitraires à faire, qui ne sont pas vraiment dictés par l’algorithme en soi. C’est là que ça devient intéressant quand le machine learning Data Science rencontre un peu la réalité du produit et du retour utilisateur. On se rend compte qu’il n’y a pas un algo intelligent qui fait les meilleures choses, mais qu’il faut faire des choix. Il faut que l’humain tranche à un moment donné sur des choses qui sont pré-calculées, pré-optimisées. C’est là qu’on a la possibilité de créer quelque chose d’unique ou de mettre un peu sa patte de product ou de sa marque ou de sa plateforme. Je trouve que c’était la partie la plus intéressante dans le projet, la rencontre technique et humaine.
[00:38:17.260] — Vincent : Est-ce que ça veut dire qu’à l’heure actuelle, il y a plusieurs algos selon les cas d’utilisation ? Ou est-ce que l’on a réussi à faire un algo qui cadre à peu près avec l’intégralité des…?
[00:38:27.290] — Benjamin : C’est toujours la question de savoir s’il y a plusieurs algos et un algo qui choisit lequel il faut utiliser, ou s’il y en a qu’un qui, finalement, est composé de sous-algos. C’est une manière de jouer sur les mots. Au final, ce qui se passe, c’est que l’on a une stratégie A-B-C-D qui se déclenche en cascade si la première n’a pas marché. Au début, on va tester la chose la plus évidente. On se rend compte que l’on n’a pas assez de chansons alors on va les piocher ailleurs, on va utiliser une autre stratégie. Avec ça, on arrive à peu près à couvrir tous les cas. Ce qui est intéressant aussi dans la fonctionnalité, c’est que l’on essaie d’afficher d’où provient la chanson. On voit directement si une personne est surreprésentée par rapport à l’autre, on va dire : “mais il n’y a que des chansons pour toi !” On essaye forcément de mettre en premier les chansons qui… Si par chance, il y a une chanson qui est adorée par les quatre, cinq, six ou la dizaine d’utilisateurs, elle va être en premier. Petit à petit, on va avoir cette approche décroissante du nombre de personnes pour laquelle cette chanson est intéressante. Et à la fin, on va tout simplement prendre, pas complètement au hasard puisqu’on a toujours un petit peu un ordre de préférence des chansons pour l’utilisateur, mais on s’assure que la playlist soit toujours remplie. Ça, c’est le but.
[00:39:35.770] — Pauline : A-t-on un moyen de connaître la satisfaction des membres d’un groupe Shaker vis-à-vis de cet algo ? On leur génère un mix, est-ce que l’on a un moyen d’avoir un retour ou de voir, parce qu’ils ont cliqué à tel endroit, qu’ils sont contents ou qu’ils aimeraient peut-être un autre algo ?
[00:39:53.890] — Benjamin : On a toujours des signaux implicites qui concernent l’utilisation de cette playlist. Est-ce qu’elle a été écoutée ? Est-ce qu’elle est réécoutée souvent ? Est-ce que des personnes ont ajouté une chanson en favori qui n’était initialement pas de leur profil ? Ça explique implicitement que l’on a visé juste, que la playlist est bien pour tout le monde. Après, c’est toujours mieux d’avoir des signes vraiment explicites avec un feedback utilisateur.
[00:40:16.600] — Pierre : Oui, là-dessus, on travaille avec notre département Recherche Utilisateur à chaque fois que l’on sort une fonctionnalité pour comprendre comment est-ce qu’elle est utilisée quand elle est sortie. On a fait beaucoup d’entretiens avec des utilisateurs pour évaluer la pertinence de l’algorithme, et de façon générale, de la fonctionnalité, pour comprendre si l’on a atteint le but que l’on s’était fixé ou pas. Et on a aussi, dans l’application, souvent des petits sondages qui apparaissent, qui permettent de récolter des signaux qualitatifs ou des feedback qualitatifs sur l’algorithme.
[00:40:52.120] — Pauline : Et est-ce que certains de ces feedback ont fait changer de direction certains aspects de Shaker ? Est-ce que l’on a ajouté des choses suite à ces entretiens, ou enlever des choses ?
[00:41:04.670] — Pierre : Oui, j’ai déjà parlé de rendre plus explicite l’aspect universel. On a vu que si la proposition de valeur est bien comprise, les utilisateurs qui ne sont pas chez Deezer s’attendent à ce que l’on aille encore plus loin sur l’aspect universel. Ils aimeraient bien pouvoir repartir avec une partie du contenu sur leur app de streaming. C’est justement ce qui va être l’une des prochaines évolutions, d’aller encore plus loin sur l’aspect partageable et donc de pouvoir potentiellement exporter la playlist depuis son Shaker vers son Spotify ou son YouTube ou Apple Music. C’était super intéressant de voir à quel point on pouvait aller encore plus loin.
[00:41:42.860] — Vincent : Donc toujours dans la portabilité, toujours se dire que l’on ne garde pas les choses que pour Deezer, on n’essaie pas forcément de faire que pour accaparer des utilisateurs que l’on essaie de garder captifs, mais on essaie de garder ce partage.
[00:41:57.270] — Pierre : Exactement. Toute l’équipe a fait un chemin conceptuel pour changer d’avis là-dessus. C’est vrai que c’est un peu contre-intuitif, comme le sous-entendait votre question en début d’émission.
[00:42:15.930] — Vincent : Juste par curiosité, est-ce que l’on a une idée de la taille des groupes dans Shaker ? Est-ce que c’est quatre-cinq ? Est-ce que c’est plus la dizaine, ou je ne sais pas, la centaine ? Soyons fous !
[00:42:25.810] — Pierre : Je n’ai plus la moyenne à la décimale près, mais c’est autour de quatre personnes par groupe exactement.
[00:42:29.800] — Vincent : D’accord. Donc, ça reste quand même relativement gérable d’un point de vue humain. On n’est pas sur des…
[00:42:34.390] — Pierre : Non, la base, le concept derrière, c’est d’aborder des micro-communautés, donc des communautés qui existent déjà — on va dire, la garde rapprochée de chaque utilisateur. D’ailleurs, Shaker ne peut, pour le moment, être utilisé que jusqu’à quinze. Mais ce qui est intéressant, justement, c’est que l’on a vu que la proposition de valeur autour de l’éditorialisation des goûts des personnes résonne aussi sur des plus grandes audiences. On a notamment testé Shaker avec des artistes, entre artistes et fans, et on sent de l’appétence autour de cet angle-là. Donc c’est aussi quelque chose sur lequel on va travailler.
[00:43:08.060] — Pauline : Donc des utilisateurs ont pu créer un groupe Shaker avec un artiste ?
[00:43:13.050] — Pierre : Tout à fait. On a eu quelques artistes qui ont permis à leur communauté de faire des Shaker, avec leurs plus grands fans. Pour la petite histoire, l’artiste Pomme, qui est chez Apple Music, a fait un Shaker avec elle-même lors d’un événement que l’on a organisé récemment — les événements “Purple Door”, qui permettent aux plus grands fans d’un artiste d’assister à une représentation de cet artiste dans un concert privé. On a testé avec plusieurs artistes différents. L’identité musicale de quelqu’un est une information assez inoffensive pour créer de la proximité entre des utilisateurs qui ne sont pas forcément proches. C’est super pour les fans de pouvoir se dire : “j’ai 70% de compatibilité avec Gazo”, “tiens, Gazo, il écoute ça aussi”. C’est vraiment l’aspect plus émotionnel de la musique qui est intéressant.
[00:44:05.220] — Vincent : Je m’imaginais aussi, pourquoi pas… Tu disais que c’est limité, à l’heure actuelle, à quinze personnes. On pourrait imaginer des classes dans des lycées ou des clubs de je-ne-sais-quoi qui voudraient voir leur compatibilité, donc des groupes peut-être plus importants un jour ?
[00:44:22.160] — Pierre : Tout à fait. Il fallait choisir au début. Et il y a aussi des challenges d’un point de vue recommandation : ça devient plus difficile de faire une playlist pertinente pour cent personnes versus quatre ou quinze personnes. Donc on s’est vraiment concentré, au début, sur ce cas d’usage : les amis ensemble. Mais effectivement, on est déjà en train de ré-imaginer certaines parties de la proposition de valeur de Shaker, utilisées ailleurs pour les rendre plus faciles à consommer dans des contextes particuliers et pour permettre aussi d’élargir un peu l’audience dans un groupe. Autre contexte qui est pertinent pour les amis et la musique, c’est les festivals. Deezer, chaque été depuis l’été 2023, propose un booth (=un stand) avec un concept très proche de Shaker, où vous venez avec vos amis, vous indiquez quels sont vos goûts musicaux, vos préférences musicales, et vous avez droit à un DJ set privé dans un espace fermé avec une playlist qui est construite spécifiquement pour ces goûts musicaux. C’est effectivement très pertinent dans ce genre de contexte.
[00:45:21.220] — Vincent : On a déjà parlé de mix avec un artiste, on vient de parler de festivals. Est-ce qu’il y a d’autres choses qui pourraient venir enrichir l’expérience Shaker dans les semaines/mois à venir ?
[00:45:33.250] — Pierre : Oui, on travaille beaucoup plus sur l’aspect “lean back” de consommation de cette fonctionnalité. Dans la musique, il y a deux usages : “lean forward” et “lean back”. “Lean forward”, c’est : je regarde mon écran et j’ai des actions explicites, intentionnelles avec l’interface de l’app de musique. Et il y a l’aspect “lean back” : j’ai mis le téléphone dans ma poche et je consomme, de façon un peu plus passive, la musique. On s’est rendu compte que c’est intéressant de travailler un peu sur les notifications autour de Shaker, donc de faire un peu plus de notifications autour de l’usage, qu’est-ce qui se passe dans le groupe lorsque l’on a rejoint un groupe, parce que c’est une interaction qui va se faire… Souvent, ça commence quand les gens sont ensemble, ils vont faire la même chose, au même endroit, au même moment ou dans un laps de temps assez rapproché. Après, la playlist ou la façon de se partager des chansons, ça va être fait de façon un peu plus asynchrone, chacun l’un après l’autre, avec des laps de temps plus ou moins différents. On a un peu travaillé sur cet aspect-là en travaillant avec notre équipe CRM pour améliorer la consommation de la fonctionnalité. Donc vous êtes notifiés un peu plus souvent si quelqu’un rajoute une chanson dans le groupe. Un autre angle aussi que l’on voulait explorer, c’est valoriser les utilisateurs qui font l’effort de partager beaucoup de chansons dans leur Shaker en leur faisant savoir si les utilisateurs de leur groupe qui ont écouté la chanson l’ont aimée. Donc on va rajouter une notification qui vous informe si la chanson que vous avez rajoutée a été aimée par d’autres membres du groupe. Pour créer cette boucle positive où vous faites un petit effort pour rajouter une chanson et vous êtes récompensé parce que vous savez si vos amis ont écouté cette musique et l’ont aimée. C’est intéressant parce qu’au tout début du projet, on a regardé un peu la littérature scientifique sur les playlists collaboratives et il y avait des “pain points”, des problèmes utilisateurs, qui étaient souvent remontés, c’est que quand on fait une playlist collaborative, souvent, il y a un membre du groupe qui va prendre l’ascendant sur tout le monde et rajouter beaucoup de chansons, ou en fait, les gens rajoutent beaucoup de chansons au début, puis après, s’arrêtent. Or, il y a un intérêt à se partager des choses de façon assez organique. On découvre souvent de la musique, on a souvent envie de la partager avec ses amis. C’est cet angle-là sur lequel on travaille. Et puis, comme je vous l’ai dit, on travaille sur l’aspect un peu plus universel en allant encore un peu plus loin sur la possibilité de consommer la valeur, même si on n’est pas chez Deezer, pour que ce soit encore plus puissant. Et le troisième axe, ça va être de faire le pont entre cette proposition de valeur autour du partage de musique avec d’autres propositions de valeur qui sont très proches et qui peuvent faire sens à certains moments, comme des fonctionnalités qui permettent de s’amuser, notamment les blind tests.
[00:48:10.770] — Benjamin : D’un point de vue algo, on a toujours le développement continu de l’algorithme, faire en sorte qu’il soit de plus en plus précis en se basant peut-être sur des A/B tests ou sur des retours utilisateurs, que ce soit de la User Research ou directement la satisfaction implicite via le stream, le temps passé sur la fonctionnalité. On pensait peut-être aussi incorporer les moods. Tout simplement, on peut avoir une playlist et se dire : “OK, on a mis toutes nos chansons mais si on pouvait ne garder que ce qui est OK pour une soirée, ou pour un voyage en voiture, ou pour se détendre, ou un truc tranquille pour bosser ensemble, ce serait, je pense, quelque chose qui serait intéressant”. Et puis, on commence aussi à voir des fonctionnalités de Shaker qui reviennent dans l’app principale — puisque Shaker a été développé un petit peu à côté dans un premier temps. Maintenant, quand on va sur une page profil de n’importe quelle personne, on peut avoir instantanément l’affinité musicale ou la compatibilité musicale qui s’affiche. Et on peut voir — ça réutilise un peu des composants de Shaker d’ailleurs — quelles sont les chansons de la librairie de cette personne qui pourraient me plaire le plus. Parce que parfois, la personne va avoir 4 000 chansons avec plein de genres confondus, mais dans ce que j’écoute, moi, est-ce que l’on a des trucs en commun ? Est-ce qu’il y a des choses qui pourraient m’intéresser ? On essaie de rendre les pages profil un peu plus intelligentes, que ce ne soit pas juste un exposé plat de ce que la personne écoute, avec le prisme de la préférence musicale de la personne qui visite ce profil, et peut-être même, je crois, dans le futur, la possibilité de faire instantanément un Shaker avec cette personne-là, si le score est assez élevé. Je pense que Shaker est un bon moyen d’engager avec d’autres personnes et de redonner une dimension un peu sociale, comme le disait Pierre tout à l’heure, dans l’app, ce que Deezer avait un petit peu au début de son histoire — on pouvait mettre des commentaires sous les albums, on pouvait mettre des commentaires sous les chansons, sous les playlists, ça créait du lien. C’est un peu comme quand on est sur YouTube, on écoute une chanson et on se rend compte qu’il y a 400 personnes qui ont mis un commentaire et on se sent moins seul, on a l’impression de l’écouter à plusieurs. Je pense que Shaker peut répondre un peu à ce problème aussi.
[00:50:11.760] — Vincent : Merci beaucoup, en tout cas, pour toutes ces infos.
[00:50:13.870] — Pauline : On a hâte de voir ça !
[00:50:17.280] — Vincent : Clairement. On a hâte d’essayer !
[00:50:17.750] — Benjamin : Merci à vous !
[00:50:17.280] — Pierre : N’hésitez pas : shaker.deezer.com.
[00:50:19.470] — Vincent : Et on va passer à la deuxième partie de l’émission, qui est vos coups de cœur musicaux.
[00:50:35.040] — Pauline : Quels sont vos coups de cœur musicaux du moment ou absolus, de tous les temps ?
[00:50:41.410] — Pierre : Moi, je voudrais recommander un album qui est sorti en 2023, qui s’appelle “Principia”. C’est un album de rock indépendant d’un groupe qui s’appelle En Attendant Ana. C’est un groupe français. Chose rare, cet album a été listé par le Time comme l’un des 100 albums les plus importants de 2023. Je vous recommande chaudement cet album qui est, je crois, le troisième album du groupe et l’album le plus abouti.
[00:51:08.880] — Benjamin : Moi, j’écoute plutôt en boucle, depuis que c’est sorti, un single de Fontaines D.C. qui s’appelle Starburster. Ce n’est pas un groupe que j’écoutais énormément avant. J’en avais entendu un peu parler, j’avais écouté deux-trois chansons, mais là, j’ai été happé par ce single, donc j’ai hâte que l’album sorte.
[00:51:24.460] — Vincent : Moi, s’il faut que j’en choisisse un… C’est très compliqué ! Alors, on va se dire un titre que j’ai écouté, qui date d’il y a un moment maintenant et que j’avais découvert chez Bernard Lenoir il y a des années et des années, qui s’appelle “Ruins”, d’un groupe qui s’appelle O. Children. J’ai adoré ce titre. Le chanteur avait une texture de voix un peu comme Ian Curtis de Joy Division. Voilà, si je devais en recommander un ce mois-ci, ce sera ça. Et Pauline ?
[00:51:54.240] — Pauline : Moi, je vais vous recommander une artiste norvégienne qui s’appelle Dagny. C’est de la pop indé. Elle vient de sortir son deuxième album, il me semble. Je ne l’ai pas encore écouté, mais c’est assez dansant, c’est frais, et je pense que c’est pas mal pour l’été.
[00:52:10.600] — Vincent : Et voilà qui conclut ce dernier épisode de la saison !
[00:52:13.390] — Pauline : Merci d’avoir participé à ce grand final !
[00:52:17.150] — Pierre : Merci beaucoup.
[00:52:17.780] — Benjamin : Avec plaisir, on est honoré !
[00:52:20.960] — Pauline : Et peut-être à une prochaine !
[00:52:22.570] — Vincent : Et voilà ! Stay tuned !
[00:52:26.300] — Vincent : Vous venez d’écouter un épisode de Deez is la tech et nous espérons que vous avez passé un bon moment en notre compagnie. N’hésitez pas à nous attribuer quelques étoiles si votre application de podcast le permet, et à nous faire part de vos retours via les réseaux sociaux et notre compte @DeezerDevs. Ceux-ci nous aideront à améliorer notre contenu afin de le rendre plus utile, enrichissant et plaisant à écouter. Enfin, n’oubliez pas que toutes les transcriptions de nos épisodes, ainsi que les coups de cœur de nos invités, sont disponibles sur notre blog deezer.io. À très vite pour un nouvel épisode et d’ici là, ne pétez ni les plombs, ni les crons !
Références
- Shaker : le mix qui vous rassemble
Pour essayer la fonctionnalité : https://shaker.deezer.com - Siri : l’assistant intelligent d’Apple
- Apple. (2024, 10 juin). Communiqué de presse du 10 juin 2024 : Voici Apple Intelligence, le système d’intelligence personnelle qui place des modèles génératifs puissants au cœur de l’iPhone, de l’iPad et du Mac. https://www.apple.com/fr/newsroom/2024/06/introducing-apple-intelligence-for-iphone-ipad-and-mac/
- TuneMyMusic : transférez vos playlist et favoris entre les services musicaux
- Flow, ton mix infini et personnalisé
- Bellenger, A. pour Deezer. (2024, 9 avril). Communiqué de presse du 9 avril 2024 : Purple Door, l’expérience incontournable de Deezer, réunissant fans et artistes, revient avec une performance musicale inédite de l’artiste Pomme. https://newsroom-deezer.com/fr/2024/04/purple-door-lexperience-incontournable-de-deezer-reunissant-fans-et-artistes-revient-avec-une-performance-musicale-inedite-de-lartiste-pomme/
- Bernard Lenoir : producteur de radio et de télévision
- Coups de coeur :
– “Principia” de En attendant Ana
– “Starburster” de Fontaines D.C.
– “Ruins” de O. Children
– Dagny